Danièle Hulin

Cette rubrique reflète la diversité de pensée des normaliens. L’a-Ulm ne cautionne en aucun cas les opinions émises par les interviewés.

Questions simples à Danièle HULIN (ENSJF 1965 S)

Cette interview, fort modeste au demeurant, clôt une trilogie. La première intervenante était Claudine HERMANN, professeur à Polytechnique, enseignante active dans la promotion des femmes en sciences, la seconde était Claire DUPAS-HAEBERLIN, enseignante aussi  et surtout directrice de l’ENS Cachan/Rennes. La troisième sera Danièle HULIN qui a fait toute sa carrière au CNRS. Le piquant est que ces trois femmes sont de la même promotion à Sèvres, qu’elles ont fait le même DEA (Physique des Solides), réussi l’agrégation de physique la même année 1969, qu’elles sont restées amies mais qu’elles ont suivi des trajectoires différentes.

Jean-Paul Hermann : Près d’un demi-siècle après votre entrée à l’ENS (JF à l’époque), il semble clair que le parcours professionnel des normaliens ne s’est pas simplifié. Faut-il le regretter ?

Danièle Hulin : Sans dire que le parcours professionnel des normaliens soit automatiquement simple, ce titre de normalien ouvre plus de portes qu’on ne le pense au début.  On peut regretter qu’il ne se soit pas simplifié par rapport à ce qui se passait il y a une cinquantaine d’années, mais nous étions alors encore dans une période d’essor de la recherche décidé par les politiques publiques. Actuellement, en sciences tout au moins, il reste favorisé par rapport à la moyenne

Jean-Paul Hermann : En 2014, est-il raisonnable de tout miser sur une carrière au CNRS ? Quel est le mode d’emploi ?

Danièle Hulin : Il est possible de tout miser sur une carrière au CNRS, mais est-ce raisonnable ? Tout d’abord, on n’entre pas au CNRS par hasard, il faut avoir attrapé le virus de la recherche pour accepter le parcours d’obstacle pour y arriver : thèse dans un bon laboratoire, mais surtout identification d’un profil qui pourra intéresser un futur laboratoire recruteur et choix d’un post-doctorat  à l’étranger en accord avec ce laboratoire pour aller acquérir une compétence qu’il recherche et qui fera qu’il présentera au CNRS votre candidature comme indispensable.

Est-ce raisonnable ? Oui et non. Oui, on peut y faire une excellente carrière scientifique, à condition de garder l’enthousiasme du début et de savoir saisir les opportunités apportées par les progrès technologiques pour se remettre en question et changer parfois de direction. Le CNRS laisse aussi  à ses chercheurs la possibilité de faire un peu d’enseignement (c’est toujours utile de raffermir ses bases). Pour ma part, je regrette de ne pas avoir pris le temps d’aller travailler quelques années dans une entreprise, cela aurait enrichi mes points de vue et peut-être favorisé les démarches de valorisation qu’on rencontre dans une carrière de chercheur. Non, si on renonce à l’ouverture et à l’évolution et qu’on reste toute sa carrière le spécialiste pointu d’un domaine étroit qui progressivement va rester sur la rive alors que le reste de la recherche se tourne vers de nouvelles questions.

Jean-Paul Hermann : Vous avez aussi beaucoup travaillé au Ministère de la Recherche. Comment les choses se passent-elles ? Est-ce encore de la recherche ?

Danièle Hulin : Après avoir été soi-même un jeune chercheur débutant, on est amené, pour développer ses recherches, à encadrer des doctorants, puis d’autres chercheurs plus fraichement recrutés. A partir d’un certain moment, on considère que c’est son tour de prendre des responsabilités et de consacrer un peu de son temps à la direction d’une grosse équipe ou d’un laboratoire, ce qui fut mon cas.

J’ai également travaillé au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche où j’ai exercé diverses fonctions, certaines avec de hautes responsabilités. C’est passionnant de découvrir  la diversité des domaines de recherche et d’essayer de participer aux efforts pour les faire progresser. Ce n’est plus de la recherche (même si on peut garder un temps partiel dans son laboratoire), mais la présence de scientifiques dans un ministère où, comme dans presque tous les ministères, il devrait y avoir surtout des administratifs, nous donne la sensation d’être utiles à la recherche en France.

Jean-Paul Hermann : Si on vous demandait trois conseils à une jeune normalienne scientifique entrée en octobre 2014, quels seraient-il

Danièle Hulin : Chercher à faire un ou plusieurs stages dans des laboratoires choisis avec l’aide d’anciennes ou d’enseignants pour voir si on attrapera le virus de la recherche, pour être sûre que l’intérêt qu’on y trouvera compensera les salaires pas très élevés en début de carrière et les moments de découragement inévitables quand les résultats des expériences  se font attendre

Dans sa carrière scientifique, être à la fois originale, imaginative, prête à foncer et en même temps rigoureuse et fiable.

Rester ouverte à toutes les possibilités qui se présenteront, quitte à les susciter, car la meilleure personne pour prendre soin de vous, c’est vous.