Paul Bernard

Cette rubrique reflète la diversité de pensée des normaliens. L’a-Ulm ne cautionne en aucun cas les opinions émises par les interviewés.

Paul Bernard nous a quittés le 1er décembre 2015, à l'âge de 86 ans. Afin de rendre hommage à l'éminent archéologue et de faire entendre une fois encore sa voix, nous reproduisons ici l'interview que Guy Lecuyot avait réalisée avec lui en 2003, interview publiée dans le Bulletin de la Société des amis de l'Ecole normale supérieure.
Nous remercions l'auteur de nous avoir aimablement permis cette publication.


Un helléniste en Asie centrale,
interview de Paul Bernard, ancien directeur de la délégation française en Afghanistn (DAFA),
par Guy Lecuyot, architecte, archéologue au Laboratoire d’archéologie de l’ENS

 
Paul Bernard (1951 l), membre de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), ancien directeur de la Délégation archéologique en Afghanistan (1965-1980), a consacré la plus grande partie de ses travaux à faire connaître l’hellénisme dans les terres d’Orient les plus lointaines où il s’est répandu (Iran, Afghanistan, Pakistan, républiques ex-soviétiques de l’Asie celntrale) grâce à la conquête par Alexandre de ces régions (330-323) et aux royaumes grecs qui ont prolongé celle-ci durant les trois derniers siècles avant notre ère. Après avoir dirigé les fouilles de la ville greqcque d’Aï Khanoum en Afghanistan (1965-1978), Paul Bernard s’est tourné vers l’exploitation de l’établissement grec qui s’est installé sur le site de l’ancienne Samarkand (nom actuel du site : Afrasiab) dans l’actuel Ouzbékistan.

Guy Lecuyot : Aujourd’hui l’Afghanistan occupe la Une de nos quotidiens, mais au début de votre carrière peu de gens s’intéressaient à ce pays. Pouvez-vous nous dire comment vous avez été amené à travailler dans cette partie du monde ?

Paul Bernard : Au début des années soixante, alors que j’étais pensionnaire scientifique à l’Institut français d’archéologie de Beyrouth (actuel IFAPO), où je préparais une thèse sur les monuments funéraires de l’antique Lycie (en Turquie du sud-ouest) il me fut proposé par Daniel Schlumberger, qui dirigeait la Délégation archéologique française en Afghanistan, de venir fouiller un petit site voisin de la fouille qu’il venait d’achever, sur un grand sanctuaire de l’époque kushane (IIe siècle de notre ère). J’acceptais l’occasion qui m’était donnée de renouer avec une activité de fouille que je n’avais plus eue depuis mon départ de l’Ecole française d’Athènes, deux ans auparavant, et qui me manquait, et surtout de me familiariser avec une civilisation orientale, celle de l’Empire des Kushans, qui avait assimilé l’héritage culturel des colons grecs qui les avaient précédés dans ces régions. Il y a toujours une part de hasard dans les vocations qui apparaissent comme les plus affirmées et indépendantes des circonstances. D’autres appellent cela de la chance. C’en est une en effet, quand on sait tirer parti du hasard.

Guy Lecuyot : Après vos études classiques à l’Ecole, vous avez été pensionnaire à l’Ecole française d’Athènes. Est-ce à cette époque que remonte votre attirance pour le monde oriental ?

Paul Bernard : Le hasard s’était manifesté une première fois lorsque, dès le premier été passé à l’Ecole d’Athènes en 1958, je me retrouvai à fouiller au côté de François Salviat (1949 l), qui m’apprit à peu près tout de mon métier d’archéologue, sur le chantier qu’il dirigeait dans l’île de Thasos dans l’Egée du Nord, face à la côte thrace.

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