Marc Delcourt

Cette rubrique reflète la diversité de pensée des normaliens. L’a-Ulm ne cautionne en aucun cas les opinions émises par les interviewés.

Marc Delcourt (1990 s) est biologiste et PDG de Global Bioenergies. C’est une start-up qui développe un procédé innovant pour convertir des ressousces végétales (sucre, céréales, déchets agricoles et forestiers) en oléfines gazeuses (isobutène, butadiène, propylène..). Ces produits, aujourd’hui dérivés du pétrole, sont en fait les briques élémentaires de la pétrochimie, et servent à la synthèse de plastiques et de caoutchoucs synthétique, ainsi que d’additifs pour les carburants. Le procédé repose sur des microorganismes génétiquement modifiés.


Questions simples à Marc Delcourt


Jean-Paul HERMANN
 : Vous avez eu l’honneur d’une page dans Le Monde (29 juillet 2014) avec photo, privilège équivalent à un prix Nobel. Pourtant, vous êtes très discret sur votre parcours scientifique. Quelle est votre aventure ?

Marc DELCOURT : J’ai passé une thèse de biologie et ai directement fondé une première entreprise de biologie industrielle (Biométhodes), qui continue aujourd’hui son développement en France et aux Etats-Unis.

J’ai ensuite fait la connaissance de Philippe MARLIERE (1976 s) et Global Bioenergies est né de notre association. Lui est le concepteur et moi, le réalisateur : mon travail consiste à convertir ses idées en réalités concrètes, c’est-à-dire, en lévées de fonds, en accords industriels, et en résultats scientifiques et industriels. Je suis maintenant entouré d’une équipe de plus de cinquante personnes pour mener ces développements. Au cours de nos six années d’histoire, j’ai donc eu à faire des choses très diverses : de la science, de la propriété intellectuelle, du business development, de la finance, des ressources humaines… Cette diversité d’activités est passionnante !

Jean-Paul HERMANN : Dans l’article du Monde, vous glorifiez la mentalité rencontrée à Montréal et son esprit de créativité industrielle. Qu’est-ce qui nous manque en France pour faire aussi
bien ?

Marc DELCOURT : Montréal était très tonique au niveau entrepreneurial dans les années 90, et la France d’alors bien moins. Les choses ont changé depuis. La France est aujourd’hui une bonne terre pour entreprendre, au moins pour les premières années de la vie d’une société. Est-il possible d’y produire des succès planétaires ? Ce n’est pas certain.

Ici et ailleurs, la formation scientifique correspond mal à l’esprit nécessaire à la création d’entreprise. La Science, avec son essence de rigueur et de précision et son isolement des contingences du quotidien, ne pousse pas au développement des qualités nécessaires aux entrepreneurs, de communication adaptée à des interlocuteurs variés, de travail en équipe élargie, et de réflexion stratégique multiparamétrique.

Jean-Paul HERMANN : Alors, où apprend-on cela ? Quel parcours conseiller ?

Marc DELCOURT : On peut faire un MBA. Les pépinières d’entreprise, clusters d’entreprises tels que Genopole, ont cette vocation de former aux réalités de l’entreprenariat.

Les jeunes entrepreneurs, porteurs d’un projet à l’issue de leur thèse, peuvent aussi tenter leur chance, se lancer à l’aventure et apprendre sur le tas. Il leur faudra trouver un mentor qui les aiguillera… 

Ils doivent être conscients que quitter la fonction publique pour créer une entreprise ou entrer dans l’industrie est, sauf rares exceptions, un voyage sans retour. Il faut donc bien mesurer la valeur à ses propres yeux de cette possible carrière académique que l’on sacrifie… Les risques doivent être évalués, en gardant bien à l’esprit que sortir des sentiers battus offre généralement des options de rebond inattendues.

Jean-Paul HERMANN : Un dernier conseil ?

Marc DELCOURT : J’invite les jeunes scientifiques à aller passer un an ou deux à l’étranger, et notamment en Amérique du Nord. Ils y respireront un autre air. A leur retour, les multiples barrières de la franchouillardise leur paraîtront moins élevées…