Le jour le plus court: compte rendu


Une équipe d'une quinzaine de cinéphiles enthousiastes renouvela cette année l'expérience, conduite avec succès l'an dernier, d'un Jour le plus Court à l'ENS, fête nationale du court-métrage organisée chaque 21 Décembre par le Comité National de Cinématographie,et installée à cette date particulière, celle du jour le plus court de l'année, en miroir à la Fête de la Musique qui se tient, à l'inverse, au solstice d'été. Le but en est de promouvoir la forme courte, tremplin créatif sur lequel tout réalisateur confirmé a un jour fait ses gammes. En libérant de leurs droits près de 300 courts‐métrages, de toutes époques, genres et qui sont tant les œuvres de réalisateurs consacrés que les propositions neuves de jeunes artistes, le CNC offre à tous la possibilité de découvrir, et de faire découvrir, cette forme trop oubliée qui est pourtant généralement la plus propice, par son accessibilité, à l'innovation technique et esthétique.





Pour la deuxième année consécutive, des élèves de l'ENS ont pris l'initiative de mettre en place un événement dans le cadre de cette fête nationale, et ont organisé des projections dans différents lieux de l'école pour y accueillir élèves, cinéphiles, voisins et curieux. Des films très visuels, dynamiques et accrocheurs ont été sélectionnés pour animer la façade du 45 rue d'Ulm et inviter les passants à entrer dans les bâtiments. Le ballet de girafes à la piscine (5m80, de Nicolas Deveaux, 2013), ou encore L'évasion (Arnaud Demuynck, 2007), rivalisaient ainsi d'originalité et ont assumé le rôle difficile de succéder au désormais fameux La vache qui rumine(Georges Rey, 1970), qui était le point d'orgue de la programmation des façades l'an dernier. Quelle magie de voir un cycliste arrêter sa route une dizaine de minutes devant la façade du 45 pour observer Félix le chat dans un combat acharné avec une araignée...




En K‐Fêt passaient des films plus longs, plus narratifs, devant lesquels il était possible de s'asseoir confortablement. De 18h à minuit, les nombreux canapés installés pour l'occasion ont tous trouvé preneurs; et il se murmure que la K-Fêt n'avait jamais été si silencieuse que pendant la projection de Gratte-Papier (Guillaume Martinez, 2005)

Dans la cour aux Ernests, une caméra installée dans les étages projetait au sol les tracés lumineuxde films comme The earlywormgets the bird(Tex Avery, 1939)  avec lesquels les passants pouvaient interagir de façon ludique. Là encore, les gens s'arrêtent un instant, des enfants dansent avec les personnages colorés de Le silence sous l'écorce (Joanna Lurie, 2010).






















Enfin, une dizaine de films qui nous avaient particulièrement marqués ont été sélectionnés pour être montrés puis commentés en Salle Dussane, avec intervention de leurs réalisateurs, leurs acteurs, mais aussi de leurs scénaristes, ingénieurs du son ou chef-opérateurs. Il nous a en effet semblé important, comme lors de l'édition dernière, de ne pas oublier que cette fête doit aussi être un tremplin pour de jeunes artistes et techniciens et nous avons ainsi choisi un panel d'intervenants très divers. La plage horaire consacrée à ces interventions a été élargie par rapport à l'an dernier, afin de répondre aux envies nombreuses d'une équipe motivée et de combler nos frustrations de l'édition précédente- nous étions notamment ravis de recevoir Angèle Chiodo, réalisatrice d'un documentaire étonnant et touchant, La Sole, entre l'eau et le sable (2011), qui faisait partie de la sélection de l'année dernière et qui fut si unanimement applaudi que nous avons saisi l'occasion d'obtenir de sa créatrice un nouvel éclairage.




La présentation de son film vint conclure l'après-midi d'intervention qui s'était également ouverte de façon notable et passionnante, puisque nous avions la chance de recevoir Luc Lagier, créateur et réalisateur d'un webzine d'Arte, Blow up, dont le principe est de monter ensemble des extraits de divers films, autour de thématiques comme l'avion, la danse, le désert. C'était en effet une belle façon d'ouvrir la journée par des commentaires sur la forme courte en soi, sur son dynamisme, sur la cinéphilie qui la nourrit. Autre intervention marquante que celle d'Antonin Peretjatko, réalisateur de La fille du 14 Juillet (2013), sur un court-métrage de jeunesse rythmé et drolatique, parodie de film d'espionnage, L'opération de la dernière chance (2006).Parmi les autres invités, des plasticiens spécialistes de cinéma expérimental, Anne Fave et Manu Carquille, un cinéaste de l'intime et du gros plan, Christophe Loizillon, le réalisateur et leco-scénariste du film Elias (Clément Badin et Jean-Baptiste Sépari-Prevost, 2013), et d'autres encore : Vincent Mariette, réalisateur du film Les lézards(2012), et Mathieu Gaudet, chef opérateur du documentaire Depuis que Manon m'a quitté (2013) réalisé par Aurélien Peilloux.




À la suite des interventions, des élèves du Conservatoire National de Jazz improvisèrent brillamment sur quelques courts‐métrages qu'ils avaient choisis et travaillés (le psychédélique Impressions en haute atmosphère deJose Antonio Sistiaga, 1989), ou l'étonnante Mouche acrobate– Percy Smith, 1908) pendant un ciné‐concert d'une heure. Leur prestation impressionnanteconclut la journée de la plus belle façon, devant un public que nous avons été heureux de voir nombreux, curieux et plein de répondant tout au long de la journée. Comme à l'accoutumée, les irréductibles qui restèrent après le ciné-concert eurent droit à une dernière série de films, les coups de cœur de l'équipe, comme le mélancolique L'homme aux bras ballants(Laurent Gorgiard. 1997).


Chloé Folens,
pour le Jour le plus court