AYANT Yves - 1946 s

AYANT (Yves), né le 6 janvier 1926 à Ollioules (Var), décédé le 8 juin 2016 à Grenoble (Isère). – Promotion de 1946 s.


Son père était cadre administratif du PLM puis de la SNCF et sa mère femme au foyer ; il était fils unique . Yves Ayant fut écolier à Toulon, puis lorsque son père fut muté à Paris, sa famille s’installa rue des Feuillantines en plein quartier latin . Il traversa la difficile période de la guerre en faisant ses études au lycée Henri-IV . Ses parents ont conservé une vieille maison très simple avec une pinède et un puits, au Brusc, petit port de pêche, situé sur la commune de Six-Fours-les-Plages à une douzaine de kilomètres de Toulon ; il y passera toutes ses vacances d’été .

À Paris, il poursuit ses études en classes préparatoires, toujours à Henri-IV, et intègre l’École en 1946 . Ses quatre années de scolarité le marqueront fortement et il les évoquera souvent avec nostalgie par la suite . Il est alors un des premiers Français à étudier la mécanique quantique pendant son apprentissage de la physique théo- rique moderne, acquérant une aisance mathématique remarquable . Mais il n’a pas, heureusement pour lui, de « polarisation » sur cette activité ; il s’intéresse à la pein- ture, à la musique classique – c’était un mélomane averti – et, de plus, c’était un amateur de pétanque et un excellent tireur .

Après avoir passé l’agrégation en 1950, il entame la préparation d’une thèse dans l’équipe dirigée par Pierre Grivet (1931 s) . Il va être le théoricien au milieu d’expérimentateurs . Tous travaillent sur la résonance magnétique nucléaire (RMN) introduite dans l’équipe par Michel Soutif (1942 s) de retour d’un séjour postdoc- toral à Palo Alto en Californie dans le laboratoire de Felix Bloch .

Un thème important dans l’équipe de Pierre Grivet est la RMN dans les liquides . Yves Ayant s’intéresse, en particulier, aux formes et aux déplacements des raies, ce qui l’amène à introduire la notion de fonction de corrélation d’une variable quantique dont il établit les principales propriétés, simultanément avec le physicien japonais Ryōgo Kubo mais de manière indépendante . Cette notion dépasse son application à la RMN et sera reprise dans nombre de théories d’effets dynamiques . Yves Ayant a publié son travail au Journal de Physique, en français, alors que Kubo a publié en anglais, ce qui explique que ce dernier soit plus souvent cité .

Yves Ayant soutient sa thèse en 1954 devant un jury comprenant Alfred Kastler (1921 s) et Louis Néel (1924 s), deux futurs lauréats du prix Nobel .

Entretemps Michel Soutif avait été invité par Louis Néel) à créer une section de résonance magnétique dans son laboratoire de Grenoble . C’est ainsi qu’avec l’aide de Louis Néel, il put offrir à Yves Ayant un poste de maître de conférence (dans le vocabulaire actuel, ce serait un poste de professeur) à l’université de Grenoble . Il réussit aussi à faire venir nombre de chercheurs de l’équipe Grivet : Maurice Buyle Bodin, Daniel Dautreppe, Bernard Dreyfus (1949 s) .

Yves Ayant fut le premier à enseigner la mécanique quantique à Grenoble dans un cours pour chercheurs suivi par de nombreux collègues . C’était un enseignant exceptionnel, non seulement pour ses qualités pédagogiques, mais aussi pour le contenu de ses cours et pour l’originalité de ses démonstrations . Il a aussi enseigné, à différents niveaux, la physique statistique et même les méthodes mathématiques, en particulier la théorie des groupes . Il a écrit de nombreux polycopiés sur ses cours et publié deux livres, un de mécanique quantique réédité plusieurs fois, un autre sur les fonctions spéciales .

Parallèlement à une lourde tâche d’enseignement, Yves Ayant a mené une intense activité de recherche . Il a collaboré avec le groupe de magnétisme dirigé par Louis Néel, en interprétant le comportement de la susceptibilité paramagnétique des gallates de terres rares et en développant les effets du champ cristallin dans les solides et ses applications à la résonance paramagnétique électronique (RPE) . Il a publié ensuite deux articles fondamentaux sur les phénomènes de relaxation en RMN des liquides . De plus, il recevait souvent de nombreux chercheurs, y compris des chimistes, qui venaient lui demander de l’aide dans l’interprétation de leurs résultats expérimentaux . Il reste à mentionner une activité de consultant au Centre d’études nucléaires de Grenoble (CENG) du Commissariat à l’énergie atomique où il contribua notamment au développement de magnétomètres à RMN pour mesurer des champs magnétiques de l’ordre de grandeur du champ terrestre . Il a dirigé plusieurs étudiants en thèse aussi bien à l’université qu’au CENG .

Sur le plan personnel, Yves Ayant a épousé Denise Ferrier, la fille d’un couple de résistants . Le père de Denise avait été tué par les Allemands . Ils eurent trois enfants : Florence, Frédéric et Catherine . Son épouse était généreuse et accueillante . Elle gérait les affaires de la famille ainsi que l’intendance .

Yves Ayant était un homme simple, chaleureux, mais il détestait les foules, les auditoires nombreux et les congrès . Tous les weekends, il se retirait dans sa résidence secondaire à Bernin dans la vallée du Grésivaudan près de Grenoble .

À sa retraite il s’installa avec son épouse dans leur maison du Brusc où il mena une vie paisible jusqu’au décès de Denise en 2012 . Puis il revint à Grenoble où se trouvaient sa fille aînée, l’un de ses petits-enfants et de nombreux anciens collègues . Il nous a quittés en 2016, à l’âge de 90 ans .

Élie BELORIZKY et Pierre AVERBUCH (1951 s)