CAPEILLÈRE Chantal (épouse BLANDIN) - 1963 S

CAPEILLÈRE (Chantal, épouse BLANDIN), née à Paris le 10 avril 1943, décé- dée à Paris le 4 février 2018. – Promotion de 1963 S.


Catalan, fils d’un lieutenant mort au Chemin des Dames, François Capeillère, le père de Chantal, servit dans l’aviation, à la base de Chartres . C’est là que le jeune sergent rencontra sa future épouse, fille d’un cheminot d’origine aveyronnaise et d’une beauceronne . François Capeillère quitta les avions pour le chemin de fer, et fut affecté au dépôt de Montrouge, ville où s’installa le ménage . Chantal commença ses études dans une école primaire de Montrouge, et les poursuivit au lycée de jeunes filles Marie-Curie à Sceaux, jusqu’en classe de mathématiques élémentaires . Très soutenue par sa mère, elle se révéla brillante élève . Après le baccalauréat, elle entra au lycée Fénelon, pour préparer le concours C (sciences expérimentales) des Écoles normales . Ce concours, qui offrait alors trois places à Sèvres et six à Ulm, ouvrait la voie aux études de sciences naturelles, de chimie et de physique . Chantal le réussit d’emblée en 1963 .

Deux des garçons de la promotion 1963 optèrent pour la physique . Les autres, ainsi que deux des filles, choisirent les sciences naturelles classiques . Ce groupe de « naturalistes » fut rejoint par deux garçons et une fille qui avaient réussi le concours D, ouvert à des étudiants issus d’universités . Traditionnellement, les « natus » s’enga- geaient dans la voie classique conduisant à l’agrégation de sciences naturelles, laquelle offrait deux options, les sciences de la vie et les sciences de la terre . Le concept « d’anti- agreg » commençait toutefois à émerger car, en ce début des années 60, la biochimie prenait de l’importance et ouvrait de stimulantes perspectives . Chantal Capeillère décida d’emprunter ce chemin, alors que ses camarades naturalistes allaient suivre ensemble, à l’université, les certificats de la licence d’enseignement de sciences natu- relles, à savoir, en première année, la zoologie, la botanique, la géologie et la biologie générale .

Des travaux pratiques de géologie et de botanique étaient assurés à l’École . En outre, dans le laboratoire de botanique de la rue Lhomond, une salle était réservée aux élèves, qui s’y retrouvaient volontiers après les cours . Les « natus » de la promo- tion 1963 formèrent ainsi un groupe soudé, tandis que Chantal faisait en quelque sorte figure de dissidente . Mais, quand l’École organisait des excursions dans les Alpes ou ailleurs, pour faire de la botanique et de la géologie sur le terrain, elle ne manquait pas de s’y inscrire . Non qu’elle eût une passion pour l’herborisation, ou pour les nappes de charriage, les failles et autres anticlinaux : en fait, elle adorait les voyages .

Après l’obtention de ses certificats de licence (en 1963-1964 et 1964-1965), Chantal entreprit en 1965-1966 des recherches à l’Institut de biologie physico- chimique de la rue Pierre-et-Marie-Curie, dans le laboratoire de Françoise Labeyrie . Sous la direction de Motohiro Iwatsubo, elle commença à étudier la cinétique du transfert des électrons opéré par le flavocytochrome b2, l’un des complexes molé- culaires impliqués dans la chaîne respiratoire au sein des mitochondries de la levure de bière . Cela se passa si bien que, dès janvier 1967, alors même qu’elle était encore élève de l’ENSJF, le CNRS la nommait stagiaire de recherche pour un an . En fait, la nomination se concrétisa en septembre 1967, lorsqu’elle prit officiellement ses fonc- tions dans le laboratoire de Motohiro Iwatsubo, lequel laboratoire avait entretemps migré au Centre de génétique moléculaire du CNRS, à Gif-sur-Yvette .

Nous nous sommes mariés en décembre 1967 et, après quelques hésitations, nous avons décidé d’habiter à Montrouge . Au 1er octobre 1968, Chantal était nommée attachée de recherche . Rythmée par les allers-retours Montrouge-Gif, c’est une vie d’intense travail qui commençait : Chantal s’engageait dans la préparation de sa thèse de doctorat d’État . Elle développa une collaboration au long cours avec le professeur Robert Bray, de l’université de Brighton, effectuant plusieurs séjours dans son labo- ratoire . En avril 1974, elle soutint sa thèse de doctorat ès sciences physiques (mention chimie), intitulée « Caractérisation des transferts d’électrons au sein du flavocyto- chrome b2 », quelques mois avant de donner naissance à notre fille Véronique . Son travail fut l’un des tout premiers, sinon le premier, à établir la cinétique du transfert intra-moléculaire des électrons, grâce à la combinaison de plusieurs techniques, dont celle du « stopped flow », qui permet de préciser les étapes de réactions très rapides .

Pendant encore dix ans, Chantal va approfondir ses recherches, toujours dans l’équipe d’enzymologie physico-chimique dirigée par Françoise Labeyrie au Centre de génétique moléculaire . En même temps, elle collabore avec Christiane Ferradini (Laboratoire de chimie physique de l’université René-Descartes), pour étudier certains processus par la technique de la radiolyse pulsée, et avec Mireille Bruschi (CNRS, laboratoire de chimie bactérienne, Marseille), lui apportant son expertise en cinétique rapide . Elle effectue aussi un séjour de trois mois, en 1979, chez Tomoko Ohnishi, dans le Department of Biochimistry and Biophysics de l’université de Pennsylvanie (USA, Philadephie) . Elle est régulièrement invitée à des colloques internationaux (États-Unis, Japon) et sollicitée pour écrire des chapitres dans des ouvrages collectifs, notamment en 1976, 1980, 1982 et 1984 dans la série « Flavins and Flavoproteins » .

Cependant, Chantal estime qu’elle doit faire preuve de mobilité, tant d’un point de vue thématique que géographique . En 1985, elle est affectée à l’unité de Clinique néphrologique (INSERM U25-CNRS UA 122) dirigée par le professeur Jean-François Bach à l’hôpital Necker, où elle va collaborer avec Béatrice Descamps- Latscha, en s’intéressant notamment au cytochrome b558 et à son rôle dans le métabolisme oxydatif au sein de cellules humaines . De cette collaboration résulteront plusieurs publications qui s’échelonnent jusqu’en 2006 . Dans l’intervalle, Chantal, qui a été promue directrice de recherches, a une nouvelle fois fait preuve de mobilité : en janvier 1992, elle a rejoint à l’université René-Descartes (Paris-V) le Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (CNRS URA 400 puis UMR 8601) dirigé par Daniel Mansuy . Elle va se consacrer à l’étude de certains mécanismes impliqués dans le stress oxydant et au rôle de la myéloperoxydase, hémo- protéine qui intervient dans les défenses contre les bactéries pathogènes . Dans ce contexte, elle collabore notamment avec Stefano Colonna, de l’Istituto di Chimica di Ormoni à Milan . Pour autant, elle n’a pas oublié « son » flavocytochrome b2, et a par exemple co-dirigé avec Florence Lederer (CNRS, Laboratoire d’enzymologie et biochimie structurales, Gif-sur-Yvette), à la fin des années 1990, une thèse utilisant cet enzyme comme modèle d’étude des phénomènes d’interaction protéine-protéine .

Chantal a achevé sa carrière en novembre 2005 . La dissidente de la promotion 1963 sut toujours préserver son indépendance, tout en se montrant ouverte à de multiples collaborations, au sein des unités qui l’ont accueillie aussi bien qu’avec des chercheurs d’autres laboratoires, en France et à l’étranger . Elle fut très appréciée de ses élèves, simples stagiaires ou doctorantes . L’une d’elles caractérisait ainsi sa directrice de thèse : constante disponibilité, patience, enthousiasme, très grande rigueur scientifique, et de grandes qualités humaines .

La scientifique était par ailleurs éprise de domaines culturels très variés . Elle ne cachait pas son plaisir, après son affectation à Paris, et tout particulièrement lorsqu’elle rejoignit l’université Paris-V, rue des Saints-Pères, de pouvoir faire un saut au Louvre à la pause de mi-journée . Elle lisait beaucoup, entraînait régulièrement sa fille dans les musées, au théâtre ou au cinéma - art qu’elle abordait avec un éclectisme revendiqué . L’Égypte ancienne la fascinait ; elle étudiait énormément d’ouvrages sur ce sujet, et suivit même une formation à la lecture des hiéroglyphes, travaillant avec sérieux et méthode .

La retraite venue, Chantal quitte totalement la vie scientifique, hormis une parti- cipation à un article collectif paru en 2009, sollicitée par une collègue de Grenoble . Elle s’inscrit à des cours d’anglais, de dessin, d’aquarelle, de gymnastique, profitant de l’offre diversifiée de Montrouge . C’est l’occasion de se constituer un nouveau réseau de joyeuses amitiés . Modeste, elle n’évoque pas son parcours scientifique, mais elle partage ses passions culturelles, tout en se montrant attentive aux autres .

Adorant la peinture, Chantal fréquente les expositions et travaille beaucoup l’aquarelle . Comme auparavant dans sa recherche, elle est méthodique et exigeante . Rarement satisfaite de sa production, elle y révèle pourtant délicatesse et sensibilité .

La retraite, c’est aussi l’occasion de voyager . Auparavant, elle n’avait pu le faire autant qu’elle l’aurait aimé . Libre, elle voyage aussi bien en famille qu’avec des amis, ou seule en profitant des possibilités offertes par les activités sociales du CNRS : elle se rend en Inde, au Mexique, au Brésil, au Pérou, retrouve les États-Unis, n’oublie pas divers pays européens, ni bien sûr quelques coins de France . Nous nous découvrons un goût commun pour les croisières, en Norvège, en Islande, en Croatie, autour de la Corse, en Patagonie jusqu’au Cap Horn...

En 2015, une alerte grave se solde par une opération délicate, en lieu et place d’un beau voyage . En 2016, rassurés, nous nous inscrivons pour une croisière qui nous aurait conduits au Groenland . Nouvelle alerte . Nous remplaçons le Groenland par la Creuse – une belle semaine riche de découvertes artistiques .

En réalité, les premiers signes de la maladie remontaient à 2001 . Chantal était consciente de ce qu’ils signifiaient . Elle n’en fit rien paraître . Sans doute désira-t-elle d’autant plus profiter de sa retraite . L’alerte de 2016 annonçait les temps difficiles . Chimiothérapie adjuvante, lourde opération handicapante, quelques mois de répit, nouvelle opération, immunothérapie inefficace . Un court sursis, fin 2017, pour fêter nos cinquante ans de vie commune . Jusqu’au bout, Chantal a fait preuve de lucidité et de courage . Elle repose au cimetière de Montrouge .

Patrick BLANDIN (1963 s), avec sa fille Véronique BLANDIN