CAVIGNEAUX Marie-Christine - 1966 L

CAVIGNEAUX (Marie-Christine), née le 26 janvier 1946 à Nantes (Loire- Inférieure), décédée le 15 juin 2022 à Avrillé (Maine-et-Loire). – Promotion de 1966 L.


Marie-Christine a passé le début de sa vie chez ses grands- parents, auxquels elle voua une affection toute particulière . Élève au lycée Victor-Duruy à Paris, elle fit une rencontre déterminante en la personne de son professeur d’histoire, madame Homo, veuve de l’historien Léon Homo (1894 l) . Cela explique son intérêt pour l’histoire romaine au début de sa carrière et un projet de thèse sur Lucius Verus, avant qu’elle ne se tourne vers l’histoire moderne .

Élève du lycée Camille-Sée, elle réussit le concours d’entrée à l’École normale supérieure de jeunes filles, puis, normalienne, le concours de l’agrégation d’histoire . Devenue professeur d’histoire-géographie, elle s’engagea corps et âme dans ses cours d’un niveau universitaire, visant à donner à ses élèves toutes les informations possibles ainsi que le goût du travail scientifique bien fait . Elle contribua à créer les premières classes préparatoires littéraires au sein de la maison d’éducation de la Légion d’hon- neur de Saint-Denis en 1989, sous l’impulsion bienveillante de la surintendante de l’époque, directrice des maisons d’éducation, madame Aliette Vandevoorde, elle-même historienne, disparue cette année le 10 septembre . Les Demoiselles de France ainsi que ses collègues se souviennent avec émotion de son dévouement à nul autre pareil, de la force de sa voix ainsi que de ses propos, et de son érudition phénoménale qui a marqué toutes celles et tous ceux qui l’ont connue . Elle a fini sa carrière au lycée de Sèvres et est décédée en juin de cette année ainsi que son frère, Alain Cavigneaux .

Monique PEZOUT-CHANUSSOT (1982 L)

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La classe préparatoire au concours d’entrée à l’École normale supérieure de jeunes filles du lycée Camille-Sée comportait à l’époque dix élèves qui faisaient mentir le vieux cliché sur les rivalités féminines . Telle était imbattable en anglais, telle autre brillait en latin . Nous échangions nos craintes du contresens et, pis encore, du barbarisme . Nous étions unies dans notre admiration pour Marie-Christine, son sens de l’histoire et son immense érudition qui nous paraissait hors de portée . Nous en eûmes une nouvelle preuve à l’oral du concours . L’un des deux examinateurs avait réussi à faire pleurer la plupart des candidates, dont la rédactrice de ces lignes, en les assaillant de questions qui leur faisaient perdre tous leurs moyens . Plusieurs d’entre nous étaient présentes quand, à une question sur l’entourage de Jules César, la candidate Marie-Christine lui demanda calmement de quelle année il s’agissait, car la situation avait évolué au cours du temps...

Nous, les khâgneuses de Camille-Sée, avons été les premiers témoins de cette passion pour l’histoire qui ne l’a jamais quittée et qu’elle a associée à un engagement pédagogique fort .

Anne LEWIS-LOUBIGNAC (1965 L)

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Mon témoignage concerne la période où Marie-Christine Cavigneaux a été concerne la période où Marie-Christine Cavigneaux a été Secrétaire générale du comité de la Société des amis de l’École normale supérieure de septembre 1994 à fin 2004 . Elle cessa ses activités après le décès brutal de Josiane Serre (1944S) qui assurait le rôle de vice-présidente depuis mars 1994 . Durant cette période de dix années de travail en commun, elle lui manifesta une fidélité et un attachement indéfectibles où se mêlaient amitié et admiration . La notice qu’elle lui consacra a été publiée dans le numéro spécial d’hommage à madame Serre du Bulletin paru en 2005 . De la même façon, le président Jean- François Noiville (1947 l) pouvait compter sur elle . Elle rédigea sa notice, parue en 2009 dans le numéro 5 bis de L’Archicube . Le dépouillement du Bulletin de la Société des amis de l’année 1994 à l’année 2004 montrerait en outre la richesse de l’activité des Amis durant cette période (sorties, dîners, accueil des étudiants, organisation du bicentenaire et publications de toutes sortes au rythme de trois numéros par an) et donc l’importance du travail fourni par la Secrétaire pour ces parutions très soignées . Certains des membres actifs durant cette période, qui se retrouvent aujourd’hui au sein du Conseil d’administration de l’a-Ulm Étienne Guyon (1955 s), Violaine Anger (1983 L), Jean-François Fauvarque (1958 s), entre autres pourraient aussi bien que moi en témoigner . Son attachement à la maison d’éducation de la Légion d’honneur était également évident . Il avait suffi que je lui dise que j’étais une ancienne élève de la Maison des Loges pour qu’elle m’of- frît aussitôt le volume Portraits d’élèves de Renato Assis . Sa capacité de travail, sa gentillesse, son dévouement étaient sans faille .

Mireille KERVEN-GÉRARD (1961 L)

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Deux anciennes élèves de Marie-Christine à la maison d’éducation de la Légion d’ honneur témoignent :

Il me reste de Marie-Christine Cavigneaux le souvenir de son incroyable énergie, de sa combativité de tous les instants . Elle avait le talent de mettre les choses en mouvement, de faire bouger les lignes . Je ne suis donc pas étonnée, avec le recul, qu’elle ait porté avec autant de force et de persévérance le développement des classes préparatoires littéraires de la maison d’éducation de la Légion d’honneur .

Je me souviens de la passion qu’elle avait pour son domaine d’enseignement, de ses partis-pris historiques assumés, de son côté « brouillon » par moments, mais qui s’accompagnaient de tant d’implication personnelle dans ce qu’elle disait qu’il était presque impossible de ne pas retenir ce qu’elle venait d’enseigner . Moins à l’aise avec les dimensions plus affectives et émotionnelles, elle répondait aux moments de vague à l’âme ou de fatigue de ses étudiantes avec une tendre brusquerie : « Allez, allez ! Pas d’états d’âme ! Pas d’apitoiement ! Bossez, bossez ! »

Malgré cette énergie qu’elle voulait, chez ses élèves comme chez elle, toute dédiée au travail, elle avait pris l’habitude d’organiser à la fin de l’année d’hypokhâgne un voyage de quelques jours dans une région de France . Elle nous avait annoncé cela, un matin, sans cérémonie, en quelques phrases claironnantes : « Vous pouvez toujours proposer une région ! Discutez-en entre vous, proposez !... Mais je vous le dis tout de suite, j’ai décidé que cette année, ce serait le Limousin ! » Son enthousiasme avait, dans un éclat de rire, mis fin au débat . Nous avons donc passé quelques jours à sillonner le Limousin, elle, au micro du car, pleine d’entrain, heureuse de partager avec nous tout ce qui la passionnait, sa fascination pour les émaux, sa curiosité pour les tapisseries d’Aubusson... et ses plaisanteries sur les « beaux yeux » aux longs cils des vaches limousines, selon l’épithète qu’Homère employait pour parler de la déesse Héra (« Héra aux yeux de vache ») et nous, riant à ses plaisanteries, nous l’écou- tions tout en suppliant le chauffeur de baisser le volume du micro, dont elle n’avait décidément pas besoin .

D’un caractère fort et d’un tempérament bouillonnant et impulsif, elle affichait une assurance et des positions tranchées derrière lesquelles on devinait rapidement aussi une forme de jeu, un « personnage » dont elle savait jouer avec beaucoup d’humour et de second degré . Avec le recul, c’est cette tendresse un peu rugueuse pour ses étudiantes et cet humour plein de finesse d’esprit qui me resteront en voyant s’éloigner cette silhouette bien campée, au pas ferme et au dévouement inlassable .

Clotilde LA BATIDE-ALANORE

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Femme de feu, Marie-Christine Cavigneaux brûlait de passion pour l’histoire, Marie-Christine Cavigneaux brûlait de passion pour l’histoire, le savoir, l’éducation et la France . Elle m’a captivée, transmis son enthousiasme, fait voyager à travers les personnages qu’elle semblait admirer comme Napoléon et Chateaubriand, l’histoire de France du xixe siècle, ses canuts, les danses macabres de Bretagne et d’ailleurs . . . Elle avait du panache, mais aussi une sensibilité qui la rendait si attachante, à la fois forte et presque maternelle, soucieuse de la réussite de ses élèves, de leur autonomie par la pensée et la culture . « Liberté guidant le peuple », elle a été un professeur exemplaire, incarnant l’Histoire dans la durée, la rendant vivante, présente . Elle ne faisait qu’un avec son sujet, avec une conscience aiguë du temps, de l’histoire et de son héritage . Merci, Madame .

Marie DAVIRON
 

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Je reconnais tout à fait ma tante, jusque dans le moindre détail, dans tous

les textes de ses élèves et compagnes de route . Ils constituent des témoignages émouvants et touchants sur une personne qui a toujours été pour moi un mystère, mais aussi un être fort stimulant dans mes études et dans ma vie en général, et dont le côté rugueux cachait une réelle bienveillance . Elle me parlait beaucoup de madame Vandevoorde, surintendante de la MELH, qui aura été pour elle une amie, la colonne vertébrale d’une « formidable équipe » . Elle parlait de madame Serre, de monsieur Noiville (1947 l), de ses collègues à la Légion d’honneur, de ses élèves . Elle évoquait surtout le contenu des voyages qu’elle sur-préparait très en amont pour ses filles de la MELH, la cathédrale de Chartres, la Vallée aux loups, le Limousin et d’autres lieux encore .

Je regrette beaucoup qu’elle n’ait pas pu voir naître ma fille, née en septembre, dont elle se serait certainement beaucoup occupée, comme elle l’avait fait pour nous les weekends, avec la même énergie qu’elle mettait dans la préparation de ses cours . Elle lui aurait parlé de Clovis, de Napoléon, de Chateaubriand . Elle lui aurait parlé aussi, sans nul doute, de l’émancipation féminine . Ma tante y a contribué de manière concrète, sans se proclamer féministe à proprement parler, elle qui avait une admiration pour les gens qui se battaient, les cabossés, mais aussi pour les rêveurs . Toujours pleine de projets, elle parlait souvent de créer, au moment de sa retraite, une fondation pour l’enseignement et de promouvoir le goût de l’Histoire chez la jeunesse .

Puissent d’autres reprendre un jour cette idée et, en tout cas, s’engager pour leurs idéaux et l’éducation de la jeunesse .

Élie CAVIGNEAUX, son neveu