CHABBAL Robert - 1946 s

CHABBAL (Robert), né le 6 février 1927 à Nîmes (Gard), décédé le 14 septembre 2020 à Paris. – Promotion de 1946 s.


Robert Chabbal est issu d’une famille gardoise et gardera toute sa vie un reste d’accent nîmois et de sobriété huguenote . Après des études au lycée de Nîmes, il fait ses classes préparatoires au lycée Saint-Louis et intègre l’École par le concours de mathématiques en 1946 . Il choisit la physique et fait un brillant début de carrière au labo- ratoire Aimé-Cotton au CNRS de Meudon-Bellevue dans l’équipe de Pierre Jacquinot . Ses travaux portent sur la

physique atomique abordée notamment par la spectroscopie par transformée de Fourier . En 1962, à seulement 35 ans, il est nommé directeur de ce laboratoire prestigieux, qu’il réussit à transférer en 1967 sur le campus d’Orsay . Aimé-Cotton est aujourd’hui encore un grand laboratoire mixte entre le CNRS et l’université de Paris-Saclay .

Robert Chabbal le dirige jusqu’en 1969, date à laquelle sa carrière va bifurquer pour toujours vers la voie royale des postes prestigieux de l’administration de la recherche française : directeur des Sciences physiques au CNRS en 1969 puis direc- teur général du CNRS entre 1972 et 1976 . Sans pouvoir citer tous ses postes, on le retrouvera aussi dans les instances scientifiques du Cnes, de l’Otan, de l’OCDE... Bien sûr une telle carrière s’accompagne de passages « dans le politique », d’abord avec sa nomination en 1964 au Comité consultatif de la recherche scientifique et technique, assemblée de douze sages, présidée à cette époque par Pierre Piganiol (1934 s) puis Marcel Boiteux (1942 s), qui avait été voulue par le général de Gaulle pour susciter et coordonner les initiatives de recherche des différents ministères . Les successeurs de ce Comité furent la DGRST puis la Mission scientifique et technique que Chabbal présidera entre 1983 et 1987 . Il fit de nombreux passages au minis- tère de la Recherche et finit sa carrière comme conseiller des ministres d’Aubert et Goulard entre 2004 et 2007 . Sa dernière initiative fut encore couronnée de succès : il lança en 2005 l’idée d’un réseau Figure (Formation en InGénierie par Universités de REcherche) qui a fini par être opérationnel en 2013 et a permis de créer des filières de formation d’ingénieurs dans certaines universités .

Robert Chabbal a ainsi fait partie des acteurs clés de la mutation extraordinaire de la recherche publique française de la fin des années 1960 jusqu’au début du xxie siècle, avec la fin des structures mandarinales universitaires, le développement et la structuration des grands organismes (CNRS, CEA, Cnes, Inra, Inria...) et leur coexistence pacifique – ou presque – avec les universités (notamment par le développement des laboratoires mixtes, structures suggérées par Chabbal), le début des financements par projet via les ATP (Actions thématiques program- mées) que Chabbal a mises en place, préfigurant notre actuelle ANR, la création des Instituts Carnot, que Chabbal a aussi inventés et mis en place, structures de valorisation de la recherche publique quand elle est effectuée sur projet avec des entreprises (structures qui existent encore de nos jours et sont unanimement appréciées) .

Wladimir Mercouroff (1954 s) a bien connu Chabbal en 1965 : il était alors professeur de physique à Orsay et Chabbal l’a fait entrer au ministère de l’Éducation nationale pour y être conseiller pour la Recherche (un poste créé !) auprès du direc- teur des enseignements supérieurs, et devenir de ce fait un facilitateur et un allié de poids pour les projets ultérieurs, entre autres ceux de labos associés . Chabbal savait ce qu’il voulait et comment y arriver ! Écoutons les souvenirs de Wladimir :

Chabbal était un homme plein d’idées . J’ai gardé le souvenir de séances de « remue-méninges » (brainstorming) avec des membres de la direction du CNRS dans un bureau enfumé, alors que je venais d’arrêter de fumer . Dans un rapport à la Délégation générale à la recherche scientifique et technique, il avait lancé l’idée d’un « Corps filet » pour les chercheurs, analogue à d’autres corps techniques de l’État tels que les Ponts, les Mines... Au CNRS, il a lancé les RCP (recherches coopératives sur programme), les GIS (groupements d’in- térêt scientifique), mais surtout les ATP (actions thématiques programmées) pour des financements sur projet . Il lance la création de programmes inter- disciplinaires « horizontaux » dont le Pirdés (programme interdisciplinaire de recherche et de développement pour l’énergie solaire) . Il fait la promotion des « Sciences pour l’ingénieur » par la création d’un département SPI au CNRS, à côté de la physique . Lors d’une crise dans les années 1970 au sein de la communauté scientifique mettant en cause les sciences humaines et les sciences sociales, il se prononce pour leur maintien au sein du CNRS, alors qu’un fort mouvement les excluait en les autonomisant ; cette prise de position a entraîné la direction du Centre à maintenir « l’unité des sciences » en gardant les Départements de sciences humaines et sociales à côté des Départements de sciences exactes .

À cette époque, j’ai eu des rapports assez étroits avec lui et sa famille, lors de week-ends de repos au château de Gif, occupé en semaine par des colloques ou des scientifiques du domaine scientifique de Gif-sur-Yvette . Lors de vacances dans son sud-est huguenot d’origine au cours des années 1970, il est venu avec sa femme et ses enfants passer quelques heures sur la plage du cap d’Agde où j’avais un appartement (dans la zone « textile ») : après la baignade, la salade de tomates a semblé être un festin somptueux à ce parpaillot . Les dernières années, il est resté à l’écart, sans contacts avec des anciens de la rue d’Ulm ni avec le monde scientifique .
 

Robert Chabbal eut deux enfants de son premier mariage, Jean et Sylvie, et un enfant de son second mariage, David, la famille comprenant également les trois enfants du premier mariage de sa seconde femme, Maribeth, John et Caroline .

Il laisse une trace profonde et structurante dans l’organisation de la recherche publique en France .

Wladimir MERCOUROFF (1954 s) Jérôme BRUN (1969 s)