CORSETTI Pierre-Paul - 1964 l

CORSETTI (Pierre-Paul), né le 8 avril 1944 à Tunis, décédé le 8 novembre 2019 à Paris. – Promotion de 1964 l.
 


Pierre-Paul Corsetti est né à Tunis où vivaient ses parents : sa mère, originaire de Beaucaire (Gard) y avait accompagné son père, militaire de carrière dans le service de santé. Celui-ci était de famille corse et italienne, car contrairement aux apparences, c’est à des ancêtres toscans qu’il devait son patronyme. C’est dans le village de Porri en Casinca, au sud de Bastia, qu’il avait sa maison familiale, où Pierre-Paul a passé plusieurs fois ses vacances d’été.

Pierre-Paul Corsetti a commencé ses études secondaires au lycée Carnot de Tunis, et les a terminées à Marseille au lycée Saint-Charles à partir de la troisième, après que ses parents ont quitté la Tunisie en 1957. Il entre en classe préparatoire au lycée Thiers de Marseille, et est admis au concours de l’ENS en 1964.

Il décide de se spécialiser dans les langues de l’Antiquité classique, et rédige son mémoire pour le Diplôme d’Études Supérieures sur La langue et le style de Polybe, sous la direction du célèbre helléniste Pierre Chantraine1.

Il est reçu à l’agrégation de grammaire à la session de 1967.

Il effectue ensuite son service militaire au titre de la coopération, et il commence sa carrière d’enseignant à Tunis, où il prolongera son séjour plusieurs années après son temps de service, au titre de la coopération civile.

De retour en France, il se consacre à la recherche en approfondissant le domaine où il va atteindre à une compétence éminente, celui de la langue latine, et plus spécialement celui des agronomes latins, notamment Caton et Columelle2.

Désormais ingénieur de recherche au CNRS, il est intégré dans l’équipe qui publie l’Année Philologique, bibliographie critique et analytique de l’Antiquité gréco- latine. Il en prend la direction en 1993, et y œuvre sans relâche jusqu’à sa retraite en 2009. C’est lui qui organise la mise en ligne progressive de l’ensemble de la collection jusqu’au premier numéro de la revue pour les années 1924-19263. On ne dira jamais assez l’importance capitale de son rôle dans la qualité de cet outil d’excellence, utilisé dans le monde entier pour les recherches sur l’Antiquité.

Pierre-Paul est décédé le 8 novembre 2019, à son domicile parisien.

Pour avoir été depuis le lycée jusqu’à son décès l’un de ses plus proches, je n’ai pas oublié ce qu’il m’avait confié dans sa jeunesse : que la plus grave des fautes était à ses yeux l’ingratitude. C’est assurément cette loyauté et cette fidélité absolue aux engagements contractés qui ont marqué tous ceux qui l’ont côtoyé. Ses convictions sociales très fermes cadraient avec la sincérité de sa modestie.

C’est aussi l’exigence extrême d’exactitude et de perfection dans ses travaux qui restera la marque de son œuvre, fruit d’une immense érudition et d’un discernement sans cesse aiguisé. Désintéressé, il n’a jamais cherché la célébrité, et les honneurs lui sont toujours restés étrangers. À cet égard, comme s’en souviennent les grammai- riennes de sa promotion, il aimait souvent rire, et ne se privait pas de se moquer des prétentieux et de leurs ignorances. Même dans les épreuves, l’humour et l’érudition faisaient chez lui bon ménage. Il faisait partager à ses fidèles un billet d’humeur régulier, où une bande d’animaux imaginaires brocardaient les personnages en vue du moment.

Sa générosité s’est exprimée constamment dans son travail : il aimait aider, rensei- gner, chercher pour lui et plus encore pour autrui. En témoigne, parmi d’autres, sa participation aussi discrète qu’exigeante à la Bibliographie des textes médicaux latins éditée par le Centre Jean Palerne de Saint-Étienne, un grand pas pour la recherche internationale en constitution dans ce domaine. Cette générosité s’exprimait aussi dans le privé. Certains se souviennent de l’énorme bibliothèque qu’il avait accu- mulée dans son petit appartement, dont il faisait profiter ses amis, priés de l’aider à faire de la place. En réalité, il lui en fallait pour un autre trésor : sa discothèque.

Car Pierre-Paul avait une autre vie, tout aussi riche. Sa passion pour la musique, et particulièrement pour son compositeur de prédilection Hector Berlioz et pour le chef d’orchestre Pierre Monteux qu’il estimait plus que tous, avait fait de lui, depuis ses années d’École, un des meilleurs connaisseurs de cet art, préférentiellement depuis le xixe siècle jusqu’à l’époque la plus contemporaine ; et par ses articles et sa participa- tion à des émissions de critique d’interprétations, ses avis faisaient autorité parmi les experts du sujet. Mais il se passionnait aussi pour le cinéma classique, avec un faible pour les films d’Alfred Hitchcock et les musiques légendaires de Bernard Herrmann.

Usager assidu de la bibliothèque de l’École, dont il a contribué à orienter les choix, il n’a jamais coupé les liens qui l’unissaient à l’institution qui nous rassemble encore aujourd’hui, et qui lui doit amplement le discret hommage qu’elle lui rend par ces lignes.

Alain BARTHÉLEMY-VIGOUROUX (1965 l)

Notes

  1. À cette époque, Pierre Chantraine achevait de diriger, après le décès d’Alphonse Dain, la thèse de Jules-Albert de Foucault, sur ce sujet.

  2. Voir ainsi les remerciements à Pierre-Paul Corsetti de la part de Jacques André, page 14 de son édition du Livre XII (De l’intendante) de Columelle (1988).

3. La mémoire de Jules Marouzeau, qui a conçu l’idée de ce répertoire de la bibliographie concernant l’antiquité classique, et de Juliette Ernst, qui en fut pendant dix lustres l’exécu- tante aussi efficace qu’invisible aux profanes, ne pouvait pas être mieux honorée.