FACOMPREZ Christian - 1969 l

FACOMPREZ (Christian), né le 15 juillet 1949 à Lambersart (Nord), décédé le 12 décembre 2013 à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône). Promotion de 1969 l.


Puisqu’il avait choisi d’aller finir ses jours dans le Midi, c’est à un méridional qu’on peut emprunter la formule qui cerne le mieux la mémoire de Christian Facomprez : voulant chanter le type humain auquel va son admiration la plus profonde, Georges Brassens écrit « C’est un modeste », pour exalter ce genre d’hommes profonds et forts d’avant le Jacquemart universel où chacun se pousse des coudes pour avoir son quart d’heure Warhol .

Modeste, Christian l’était de par ses origines familiales, comme nous tous qui formions à l’époque respectivement la terminale math élem . et la terminale de philo qui se faisaient vis-à-vis au bout du couloir du nouveau lycée Faidherbe de Lille, classes rivales qui ont fourni ensemble à la France des dizaines de normaliens, de poly- techniciens, de centraliens, de médecins, et même quelques énarques . Nous venions pratiquement tous de milieux très modestes dans ces classes hautement sélectives, et nous devons tous à l’école de ce temps-là d’avoir connu une certaine ascension sociale, à la différence des effets dissipatifs et tellement inégalitaires de l’école égalitariste d’aujourd’hui .

Modeste aussi parce que cette ascension sociale de fait ne nous sépara jamais de nos origines, tant régionales que sociales . Enfants du Nord et de petites gens, nous découvrions le panache parfois insolent de nos camarades parisiens entrés en masse depuis les deux plus prestigieux lycées de France, et qui formaient de toute évidence la fine fleur d’une société bien plus raffinée, bien plus cultivée, bien plus opulente . Ce point détermina souvent chez nous, sinon des replis, du moins des regroupements, et c’est ainsi que Christian se sentit solidaire du groupe communiste dont le noyau, dans une École alors vibrionnante de gauchisme tapageur, avait été reformé par une série d’anciens de la khâgne de Lille, où le prof en vogue était Jacques Milhau, philosophe ouvertement engagé dans le PCF .

Pour avoir été un an son cothurne, dans la partie de la thurne du Rataud séparée par un rideau, j’ai eu maintes fois l’occasion d’admirer le courage tranquille avec lequel Christian maintenait à la porte, contiguë de son lit à lui, les escouades maoïstes ou trotskistes venues le persuader du caractère profondément peccamineux envers la classe ouvrière de ses sympathies du moment . Christian était un modeste, mais un modeste déterminé à ne pas s’en laisser conter, et il objectait à l’évangélisation gauchisto-bourgeoise de ces chérubins enflammés ou enragés selon les cas, la calme argumentation de ses convictions de fils du peuple .

Ses qualités d’humilité personnelle et de grande exigence pour l’esprit se trou- vèrent carrière dans l’enseignement, une fois reçu à l’agrégation . Lorsqu’il débute dans la carrière à Aulnay-sous-Bois puis à Louvres, ces noms se recommandent d’être à la frange nord de l’agglomération parisienne, autant dire presque déjà dans le Nord natal, et Christian qui s’est marié va jusqu’à y fixer sa résidence, à Fosses... C’était il y a quarante ans, et être envoyé là-bas passe aujourd’hui pour une affectation en bataillon pénitentiaire : le monde d’alors n’est plus...

Par la vertu de trois inspections élogieuses1, Christian voit le comble mis à ses désirs par une affectation... à Douai, il est vrai en classe préparatoire pour une partie de son service . Il y réussit fort bien et se voit bientôt appelé à prendre au Raincy une chaire de première supérieure au lycée Schweitzer . Affectation gratifiante mais fatale, puisque c’est sur le chemin de ce lycée qu’en 1987 Christian vient s’encastrer dans un platane et ne réchappe à la mort que moyennant deux ans d’une pénible convalescence . Admis en 1989 à reprendre son enseignement2, c’est pourtant un ami physiquement diminué que nous découvrons en 1994 lors du vingt-cinquième anniversaire de notre promotion, organisé à l’École dont c’est aussi le bicentenaire . Il sera encore des nôtres en 2009 pour le quarantième anniversaire (fêté à l’Unesco) mais déjà sur le point de se retirer au Paradou, près de Salon, dans ce midi si étranger à tout ce qu’il était .

Christian Facomprez, fils du Nord, fidèle à ses origines, authentique croyant de l’école en général à laquelle il devait tant, et nullement faraud de l’École en particu- lier, qu’il avait conservée comme assise plutôt que prise pour tremplin, mettait dans sa modestie assumée un point d’honneur dont le temps présent montre toujours davantage quelle noblesse s’y attachait .

Philippe RATTE (1969 l)

Notes

  1. 1 .  Une de Jacques Boudet (1932 l) et deux de Roger Fayolle (1948 l), dont l’opinion contraste avec son premier inspecteur le mayennais Paul Lecoq .

  2. 2 .  Les rapports de Michel Leroy (1967 l) en 1991 et de Jeanne Allamigeon (1953 L) attestent qu’il n’a rien perdu de ses qualités pédagogiques .