FEDERSPIEL Michel - 1962 l

FEDERSPIEL (Michel), né le 16 octobre 1941 à Metz (Moselle), décédé le 9 décembre 2013 à La Roche-Noire (Puy-de-Dôme). – Promotion de 1962 l.


Michel Federspiel était en plein travail lorsque la maladie l’a emporté, suspendant prématurément son activité d’hel- léniste traducteur de textes scientifiques et ses recherches novatrices sur la langue des mathématiques grecques .

Lorrain d’origine, comme il aimait à le rappeler, c’est à Metz, au lycée Fabert, qu’il avait effectué ses études secon- daires avant de suivre le cursus des classes préparatoires de Strasbourg (hypokhâgne) et Nancy (khâgne) . L’année de sa réussite au concours (1962) fut aussi celle de son mariage .

Un an après son agrégation de grammaire, en 1966, Michel Federspiel fut recruté à la faculté des lettres de l’université de Clermont-Ferrand . Avec son épouse, Hélène, et leurs deux fils, Dominique et Daniel, il s’installe alors en terre d’Auvergne, pour ne plus la quitter : dans une haute maison de pierres volcaniques à La Roche-Noire, un bourg dont Hélène Federspiel est aujourd’hui maire .

C’est donc à l’université de Clermont-Ferrand qu’il accomplit toute sa carrière, de 1966 à 2002, comme assistant, maître-assistant, puis maître de conférences, sous l’au- torité bienveillante d’autres hellénistes éminents, Francis Vian et François Fuhrmann notamment, qui furent tour à tour doyens de la faculté des lettres . Il a ainsi formé des générations d’étudiants avec exigence, rigueur et excellence : nombre d’entre eux sont devenus des professeurs de lettres classiques, avec la même passion pour leur discipline, et beaucoup sont restés en contact étroit avec lui jusqu’au bout .

La communauté des hellénistes français a perdu un chercheur exigeant et nova- teur qui a contribué de manière essentielle à la transmission et à la connaissance des savoirs scientifiques de l’Antiquité . Disciple de Charles Mugler, qui fut notamment l’éditeur du corpus d’Archimède dans la Collection des Universités de France, Michel Federspiel a ouvert des pistes de recherche très prometteuses dans le domaine des traités de mathématiques, traités scientifiques mais aussi philosophiques, un domaine peu connu des hellénistes et longtemps ignoré des historiens des sciences .

On lui doit ainsi la seconde traduction française, après celle de Paul Ver Eecke, des Livres grecs I-IV des Coniques d’Apollonius de Pergé (iiie s . av . J .-C .), ainsi que la première traduction dans une langue moderne d’un commentateur d’Apollonios, Eutocius d’Ascalon (vie s . de notre ère) – éditions critiques menées en collabora- tion avec Micheline Decorps-Foulquier, qui fut son élève (De Gruyter, 2008-2010 et 2014) . Ce traité des Coniques représente l’œuvre majeure du mathématicien hellé- nistique, la plus difficile, point d’orgue de la science géométrique grecque et traité de référence pour l’histoire universelle des mathématiques jusqu’à l’époque moderne . La traduction et le commentaire d’un certain nombre de traités scientifiques du corpus aristotélicien, auxquels il s’est intéressé sur plusieurs décades, sont en voie de publi- cation aux Belles Lettres .

Passeur de savoir, le linguiste qu’était Michel Federspiel a cherché à réintroduire dans le domaine d’étude des littéraires l’exploration des corpus techniques et scienti- fiques que l’Antiquité grecque nous a laissés : il a ainsi ouvert un champ inexploré en travaillant à saisir au plus près le fonctionnement de la langue mathématique grecque . Il s’est intéressé au vocabulaire et à l’expression spécifique de cette littérature savante, s’est attaché à repérer les différentes structures syntaxiques employées par les mathé- maticiens grecs dans la démonstration de leurs propositions, en a étudié le style et les figures, pour ainsi dire au croisement de la rhétorique et de la linguistique1 .

À ces travaux s’ajoutent une liste longue de notes philologiques diverses et de comptes rendus .

Ce n’est pas seulement la figure du savant qui restera dans nos mémoires, mais aussi celle d’un collègue, d’un maître, d’un ami, à l’abord toujours ouvert et affable, qui, par son rayonnement personnel, sa grande culture philosophique, littéraire et artistique, son extrême générosité, s’est attaché tous ceux qui l’ont connu et côtoyé .

Micheline DECORPS-FOULQUIER
(professeur émérite de langue et littératures grecques, université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand-II)
et Sandrine DUBEL (1986 l)

Note

1 . On citera certaines publications exemplaires de ses domaines de recherche ; les deux dernières sont posthumes : « Sur la définition euclidienne de la droite », Actes du Colloque International sur « Mathématiques et Philosophie », Marseille, janvier 1988 ; Mathématiques et Philosophie de l’Antiquité à l’Âge classique (éd . R . Rashed), éd . du CNRS, Paris, 1991 ; « Sur l’opposition défini/indéfini dans la langue des mathématiques grecques » Les Études Classiques, 63, 1995 ; « Quelques traits de la modernisation de la langue mathé- matique par Apollonius », Les Études Classiques, 80, 2012 ; « Sur une partie spécifique de la démonstration dans les textes géométriques classiques : l’anaphore », Pallas, 97, 2014 .