FROMAGEOT Jean - 1958 l

FROMAGEOT (Jean), né le 27 février 1939 à Arnay-le-Duc (Côte-d’Or), décédé le 26 janvier 2015 à Vichy (Allier). – Promotion de 1958 l.


Je remercie sincèrement madame Fromageot, son épouse, d’avoir accepté que j’évoque le souvenir de son mari, mon ancien condisciple du lycée Banville à Moulins-sur-Allier, du lycée Louis-le-Grand et de la rue d’Ulm, et de m’avoir aidé à rédiger cette notice . Je sais sa réticence à cet égard, parce que Jean avait choisi de ne pas faire carrière et de vivre dans la discrétion en se consacrant à l’enseignement des lettres dans le secondaire . Mc¢| x§‡«`» comme dit un précepte des anciens Grecs1 .

Ses deux parents étaient instituteurs et Jean, le benjamin de trois frères, avait réalisé le rêve de son père en intégrant, dès sa première tentative, l’ENS . Avant la guerre, son père était directeur d’agence de l’Assistance publique de la Seine, qui envoyait des enfants dans les familles de petits métayers de l’Allier (ses grands- parents étaient des petits propriétaires terriens) . Je crois pouvoir dire que Jean aimait son métier de professeur parce qu’il savait bien que l’école avait, devrait avoir, pour mission de favoriser la promotion sociale . Joie de se savoir apprécié, tristesse de voir la situation de l’école se dégrader : Jean a sans doute connu tout cela .

Entre lui et moi, au fil des années, se sont nouées des relations de camaraderie et de rivalité scolaire, sous la férule bienveillante de professeurs éminents . Son épouse me dit qu’il parlait souvent de Pierre Bourdieu (1931 l) qui enseigna brièvement (un mois) à Moulins . Je me souviens du jour où il était tombé avec son vélo dans un bras de l’Allier avant de rejoindre la classe . En 1953, Jean reçoit un prix offert par le cercle d’allemand du lycée Banville . En 1955, alors que notre famille a rejoint le lycée de Limoges, je lui brûle la politesse en obtenant le premier prix de thème latin au concours général des lycées et collèges (il obtient le deuxième prix) . Bien au centre d’une photo de la khâgne de Louis-le-Grand (1957-58) que je conserve précieuse- ment, Jean affiche un sourire légèrement narquois . Notre maître, Fernand Robert (1927 l) faisait l’éloge de son mémoire d’études supérieures consacré au Protagoras2.

Je rapproche ce souvenir d’une phrase écrite par son épouse en réponse à mes questions assez indiscrètes : « il croyait en l’homme et seulement en l’homme » . Jean avait d’ailleurs choisi pour la cérémonie du souvenir deux textes, le fragment où Pascal parle de l’homme comme d’un roseau pensant et de la dignité de la pensée, et un poème d’Éluard Le droit le devoir de vivre :

« Il n’y aurait rien...
Il y aurait un homme. N’importe quel homme Moi ou un autre
Sinon il n’y aurait rien ».

Guy LACHENAUD (1960 l)

Notes

1. La meilleure traduction de cette maxime qui se perd dans la nuit des temps et qui figure dans les aphorismes des Sept sages, a été fournie par La Fontaine, pour vivre heureux vivons cachés. 
2. Socrate y discute la formule reine de la sophistique d’alors : l’homme est la mesure de tout.