JALLON Jean-Marc - 1965 s

JALLON (Jean-Marc), né le 14 juin 1945 à Paris, décédé le 17 septembre 2019 à Paris. – Promotion de 1965 s.


Petit-fils d’instituteur, Jean-Marc Jallon était le fils unique de Maurice Paul Jallon et de sa femme, née Danielle Denise Maucler, tous deux dentistes à Savigny-sur-Orge. C’est dans cette bourgade proche de Paris qu’il passa son enfance et fut scolarisé.

Son parcours en biologie commence en 1963 au lycée Saint-Louis, à Paris, où il prépare le concours de Sciences C (biologie) de l’École, qu’il réussit en 1965. Comme, en première année, les élèves étaient groupés par deux, il partagea sa « thurne » avec le botaniste Jean-Claude Thomas

(1965 s), y réunissant volontiers leurs camarades autour d’un verre de porto ! Les naturalistes ou « natus » de l’École étaient alors très unis, notamment grâce aux excursions scientifiques collectives organisées par l’École, qui, durant plusieurs jours, les rassemblaient en fin d’année universitaire. Celle de 1966 nous emmena, avec Jean-Marc, à la découverte de la flore des Alpes.

Nous nous rencontrâmes plusieurs fois en 1970 quand Jallon, en tant que boursier Fulbright et Lavoisier, fit un stage à Philadelphie, à la Johnson Research Foundation de l’université de Pennsylvanie, alors j’étais moi-même à Houston, au Texas. Ensemble nous rendîmes aussi visite au biologiste François Bouvier (1961 s) alors à New York. Lors de ce séjour outre-Atlantique, Jallon parcourut les États-Unis dans tous les sens et m’a notamment raconté une nuit féérique passée seul, à la belle étoile, dans le Grand Canyon, parmi des ratons laveurs intéressés par ses sandwichs.

Jallon effectua tout le début de sa carrière (1972-1989) au CNRS à Gif-sur-Yvette, où il gravit les grades successifs d’attaché à directeur de recherche. Il soutint brillam- ment en 1974, à l’université de Paris, sous la direction du professeur M. Iwatsubo, un doctorat ès sciences physiques en enzymologie sur le thème « Changements struc- turaux de la glutamate déshydrogénase et modulation de son activité catalytique ». Son activité était définitivement lancée dans le domaine de la biochimie. Elle devait se poursuivre à Gif, puis à Orsay, jusqu’à sa retraite en 2008, mais elle se combina à des recherches comportementales. L’essentiel des travaux de son équipe, puis de son laboratoire, ont en effet porté sur les déterminants biochimiques du comporte- ment social et sexuel des drosophiles (Drosophila melanogaster), ces petites mouches si importantes pour la génétique, dont il était devenu l’un des spécialistes mondiaux. Il montra notamment comment des hydrocarbures de la cuticule de ces insectes déterminaient le « sex-appeal » des femelles et des jeunes mâles et comment étaient synthétisées les différentes formes de ces hydrocarbures. Il découvrit aussi qu’au-delà des drosophiles, les hydrocarbures cuticulaires avaient des fonctions très générales et permettaient également la reconnaissance entre espèces et colonies chez les fourmis.

Nos échanges furent nombreux, alors que j’étais chercheur à Gif-sur-Yvette. En témoignent le jury de thèse auquel Jean-Marc m’invita, les conférences qu’il me fit prononcer dans ses laboratoires successifs et même un article de vulgarisation écrit en commun sur...« Les mouches amnésiques » (La Recherche, 1980, n° 116) !

En 1989, Jallon fut nommé professeur de biologie à l’université d’Orsay-Paris Sud, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en 2008, avant d’être distingué comme profes- seur émérite toujours dans la même université. De 2004 à 2007, il dirigea, à Orsay, l’Institut de biologie animale intégrative et cellulaire, une imposante structure de recherche qui regroupait plusieurs laboratoires du CNRS ainsi qu’une unité de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) et une unité de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Grand voyageur, passionné par l’Extrême-Orient et particulièrement par le Japon, Jallon, qui parlait couramment le japonais, a effectué de nombreux voyages en Asie, d’abord en Chine, lors d’un voyage d’étudiants en 1966, puis, pour des raisons professionnelles ou personnelles, en divers endroits du continent. Parmi ses nombreux séjours professionnels en Asie, citons : un stage postdoctoral à l’université de Tokyo (chez le Pr Y. Hotta, 1975-1977), un poste de chercheur invité à l’université de Tsukuba (1986), un poste de chercheur invité au Mitsubishi Kasei Institute of Life Sciences (chez le Dr G. Yamamoto) et professeur invité à l’Université Métropolitaine de Tokyo (1999), un poste de professeur invité à l’Académie des sciences de Shanghai (2005). Jallon aimait relater, avec amusement, son premier séjour post-doctoral à Tokyo, où son grand intérêt pour la culture locale avait tellement étonné ses collè- gues japonais. Il rendit aussi souvent visite à notre ami commun, le Pr Kiyomi Saeki, de l’université d’Okayama. Sur un plan moins scientifique, ses différents voyages en Asie l’amenèrent même à participer, en 2013, au 33e World Congress of Poets, organisé en Malaisie par ma femme, Wan Hua Chapouthier, un déplacement qui témoigne, si besoin est, de sa très large ouverture culturelle, bien au-delà du domaine scientifique. Il faut aussi rappeler qu’il créa, en 1986, une petite « Société franco- japonaise de biologie », qui n’eut qu’une brève durée de vie.

Sur le plan administratif, Jallon exerça de nombreuses fonctions. Au niveau national, il fut notamment membre de sa section du CNRS (1991-1995) et de la section correspondante au Conseil national des universités (1995-1999). Au niveau international, il fut membre actif de l’International Union of Biological Sciences (IUBS), dont il fut vice-président, puis secrétaire général. Il contribua aussi à la promotion de l’International Society of Zoological Sciences, dont il fut président, et des International Congresses of Zoology (ICZ). Il fut, avec les biologistes René Lafont (1964 s) et Jean-Loup d’Hondt, co-organisateur du congrès de Paris en août 2008. Jallon a dirigé ou co-dirigé une dizaine de thèses. Il a assuré d’innombrables activités d’enseignement qu’il n’est pas possible de résumer ici et il a prononcé, à travers le monde, de nombreuses conférences. Il a publié, avec ses collaborateurs et ses élèves, une centaine d’articles scientifiques dans des revues internationales de haut niveau.

Jean-Marc Jallon est toujours resté très discret sur sa vie intime. Ce n’est que très tard qu’on a appris qu’il vivait avec un Japonais, Hirofumi Chonan, avec qui il était pacsé depuis 1999 et qu’il avait pu épouser en 2013, grâce aux nouvelles lois sur le mariage pour tous. Hirofumi, qui a assuré la tutelle de Jean-Marc quand celui-ci fut atteint de troubles neurologiques, s’est montré d’un dévouement exemplaire pour l’épauler, le faire voyager malgré son handicap et le distraire durant les dernières années de sa vie.

Après un parcours scientifique et humain particulièrement riche, notre ami Jallon nous a quittés paisiblement, suite à un accident cardiaque, pendant son sommeil, à son domicile.

Georges CHAPOUTHIER (1964 s)