KAHANE André - 1950 s

KAHANE (André), né le 14 novembre 1929 à Bois-Colombes (Seine), décédé le 7 août 2021 à La Tronche (Isère). – Promotion de 1950 s.


Fils d’Ernest Kahane, professeur d’université et de Marcelle Kahane née Wurtz, ingénieure chimiste, André Kahane, après des études au lycée Henri-IV à Paris, intègre l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1950, suivant ainsi les traces de son frère aîné, le mathématicien Jean-Pierre Kahane (1926-2017, 1946 s). C’est pendant ses années d’École qu’il fera la connaissance de sa future femme, Josette Paillous (1932-2016, 1951 S), physicienne comme lui .

Après l’obtention des licences de sciences physiques et de mathématiques en 1952 puis l’agrégation de sciences physiques en 1954, il a été assistant et chef de travaux à la faculté des sciences de Paris . Recruté comme maître assistant à la faculté des sciences de Grenoble en 1961, il y fera toute sa carrière, comme maître de conférences à partir de 1965, puis comme professeur d’université de 1972 jusqu’à sa retraite en 1994 . Dans la continuité de sa thèse, qui lui vaut le titre de docteur d’État en sciences physiques en 1962, il mène des travaux de recherche expérimentaux et théoriques sur les propriétés optiques et électriques et la structure de la glace . Il est ainsi l’un des premiers membres de l’équipe de Physique moléculaire qui se construit au sein du Laboratoire de spectrométrie physique, associé au CNRS, que crée en 1966 le professeur Michel Soutif (1942 s) .

À partir des années 1970, les activités professionnelles d’André Kahane se centrent essentiellement sur l’enseignement . Il mène plusieurs expériences très originales d’en- seignement de la physique dans des classes d’école primaire et, comme en témoigne Pierre Jullien, le premier directeur de l’IREM de Grenoble (1971-1976), s’implique fortement en faveur de l’introduction de l’enseignement de la physique et de la chimie dès la première année de collège, revendication qui sera effectivement satisfaite à partir de 1977 : « Avec nostalgie, j’ai repensé à l’expérience ESE (Enseignement scientifique expérimental) que m’avaient proposée André Kahane et d’autres collègues scienti- fiques . Il s’agissait d’introduire un enseignement de physique et chimie dès la sixième, en faisant travailler ensemble les enseignants de sciences naturelles, de physique et chimie, de travaux manuels et de mathématiques . Dès la rentrée 1972, avec l’ac- cord du ministère et l’aide du recteur Maurice Niveau, nous avions ouvert quelques classes dans l’académie de Grenoble, avec des professeurs volontaires . L’expérience avait été étendue à deux ou trois autres académies et a duré quelques années, avant l’entrée de la physique et de la chimie aux programmes de sixième et cinquième . »

Dans le même temps, André Kahane s’implique fortement dans la formation continue, dont il dirige le service à l’université de Grenoble, jusqu’à sa nomination comme délégué académique à la Formation continue (Dafco) au rectorat de Grenoble en 1981 . Informés de son décès, ses anciens collègues du rectorat ont eu à cœur d’exprimer combien ils avaient apprécié ses qualités intellectuelles et humaines et de témoigner de la façon dont André Kahane conduisait l’équipe de responsables de formation qui l’entourait et l’ensemble du réseau académique de formation d’adultes . Joseph Campanale, actuel directeur du Centre académique de formation continue, a ainsi rassemblé leurs souvenirs : « Pendant près de dix années, André Kahane oriente l’offre de formation du réseau des Greta (Groupements d’établissements scolaires) en direction des entreprises et notamment des grands groupes industriels présents dans l’académie de Grenoble : Péchiney, Rhône-Poulenc, Schneider...) . Des disposi- tifs de formations diplômantes sont créés au sein des entreprises, mettant en œuvre des démarches pédagogiques innovantes à partir de situations de travail vécues par les salariés . L’insertion professionnelle des jeunes, sortis du système scolaire sans qualification, occupe aussi une place importante dans la politique académique qu’il impulse . Un réseau de dispositifs visant à élever le niveau de formation générale adapté à ce public est créé dans toute l’Académie (les APP : ateliers de pédagogie personnalisée), offrant à ces jeunes une deuxième chance d’accéder à une qualifi- cation professionnelle . Sa manière d’animer le réseau académique surprend dans une institution très hiérarchisée : responsabilisation des acteurs, confiance dans les personnes, valorisation de l’initiative et de l’innovation, contrôle a posteriori... Cette stratégie portera ses fruits . En 1990, quand il quitte cette mission pour retourner à l’Université, l’académie de Grenoble est en tête, au plan national, en nombre de personnes formées : salariés des entreprises, demandeurs d’emploi peu qualifiés, jeunes sans qualification professionnelle . Le modèle qu’il a développé apparaît comme le plus pertinent pour organiser un service public de la formation des adultes sur un marché concurrentiel . »

Christian Euzet, qui était alors en charge du service informatique du rectorat, souligne aussi les innovations technologiques qu’André Kahane a introduites dans ses fonctions, à une époque où la place des ordinateurs portables était encore margi- nale : « Il a toujours été à l’écoute des suggestions d’améliorations techniques que je pouvais lui faire... Ainsi nous avons été novateurs en 1982 en mettant en place un serveur Minitel (Telag) qui a servi d’abord à communiquer au niveau Formation continue académique puis au niveau national (Dom-Tom compris) . Par ailleurs, constatant les prix très élevés des outils d’EAO (Enseignement assisté par ordina- teur) du marché en 1990, leur pauvreté pédagogique et l’impossibilité de les adapter aux différents contextes locaux, il a imaginé un système simple, Didevac, pouvant fonctionner sur un micro-ordinateur standard avec des contenus modifiables par les formateurs eux-mêmes . Réalisé à la Dafco de Grenoble, ce logiciel a permis à des formateurs Greta de toute la France de créer, modifier et échanger gratuitement des supports numériques motivants pour leurs apprenants . »

Pendant les dernières années de sa vie professionnelle, André Kahane mettra ses talents pédagogiques au service de la formation des enseignants en intervenant au sein de l’IUFM de Grenoble, et plus particulièrement dans son antenne de Privas, en Ardèche, ce qui lui permettait d’intervenir à proximité de Valence, où son épouse Josette Kahane assurait la direction de l’antenne universitaire .

Les engagements militants de très longue date, les qualités pédagogiques et l’em- pathie à l’égard d’autrui dont André Kahane a toujours su faire preuve, le conduiront durant ses premières années de retraite à occuper les fonctions de conseiller municipal à La Tronche (1983-1989) puis de président du syndic de la copropriété où il a vécu . Mais sa constante curiosité intellectuelle et son désir de s’investir dans la transmis- sion des idées sont ce qui l’animera le plus pendant toutes ses années de retraite .

Joueur de go de longue date, il a contribué à l’animation du club de go grenoblois, notamment à l’attention des plus jeunes joueurs . Passionné par les questions relatives à l’intelligence artificielle, mais également soucieux de réfléchir et de témoigner, avec une certaine prise de distance, sur les questions sociétales et scientifiques et les enjeux auxquels est confrontée l’humanité, il consacrera une large fraction de son temps, et ce jusqu’à ses dernières semaines, à la rédaction de nouvelles et de romans dont les acteurs principaux sont des robots humanoïdes, ou plutôt, comme il préfé- rait les nommer, des Andints (Androïdes intelligents) . Ce sera aussi l’occasion pour lui de faire revivre l’intérêt pour les propriétés de l’eau appauvrie en deutérium qu’il avait déjà manifesté lors de ses travaux de recherche sur la glace d’eau : il en avait conservé deux beaux bidons d’inox remplis d’eau légère .

Tout au long de sa vie, les qualités d’écoute et de bienveillance d’André Kahane se sont exprimées en permanence vis-à-vis de ses proches, en tout premier lieu de sa femme Josette, dont la disparition en décembre 2016 a assombri ses dernières années, de ses quatre enfants, ses six petits-enfants et, plus récemment, ses deux arrière-petites-filles . Et, plus généralement, vis-à-vis de sa nombreuse famille .

Claudine KAHANE, sa fille

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André Kahane et moi faisions partie de la promotion 1950 sciences ; nos rencontres n’ont pas été facilitées, d’une part, par nos situations géographiques à l’intérieur de l’école, de l’autre, par nos orientations universitaires, très vite diver- gentes . Nous avions tout de même des sujets de discussions, car, dès cette époque, les discussions idéologiques, voire politiques, étaient fort animées, les uns voyant en l’Union soviétique l’annonce d’un avenir brillant pour l’humanité entière, les autres étant partisans de la construction d’une Europe unie – la « Fédérale » – résolument antisoviétique . André Kahane se situait dans le premier groupe avec ferveur, mais sans l’agressivité qui habitait tant d’autres camarades .

Bien des années plus tard, après une longue séparation due à nos carrières très distinctes, André et moi nous sommes retrouvés à l’occasion des réunions que notre promotion 1950 a tenu à organiser avec une remarquable régularité ; celle qui m’a laissé le plus fort souvenir avait été organisée par André et Josette Kahane, à Grenoble, et comportait de multiples visites aussi bien scientifiques que géologiques, ou encore littéraires : Grenoble a été la patrie de Stendhal .

Je voudrais souligner la modestie dont faisait preuve André, sensible tout particuliè- rement lorsqu’il évoquait, avec beaucoup d’admiration, son frère aîné, le mathématicien Jean-Pierre Kahane . Je puis aussi témoigner de sa fidélité envers ses engagements de jeunesse : je pense qu’elle s’est exprimée très fortement dans les activités sociales décrites par sa fille Claudine, et dont, par modestie, il m’avait tenu dans l’ignorance .

Une amitié trop longtemps oubliée, trop tardivement renouée...

Alain GUICHARDET (1950 s)