PROUST François - 1945 s

PROUST (François), né le 4 juillet 1925 à Lyon (Rhône), décédé le 4 décembre 2022 à Plaissan (Hérault). Promotion de 1945 s.


Entré à l’ENS en 1945, il fut agrégé en sciences naturelles (cacique du concours 1949), répétiteur (caïman) à Ulm de 1950 à 1958 . Il fut nommé chef de travaux à l’université de Montpellier en 1958, où il a soutenu en 1961 une thèse de doctorat ès Sciences, pionnière, sur la stratigraphie, la tectonique et la pétrographie des hauts massifs du Haut Atlas marocain . Il sera ensuite profes- seur, à partir de 1965 professeur en titre du Laboratoire de géologie structurale méditerranéenne . Il fut, avec son compère et complice Maurice Mattauer, professeur du Laboratoire de tectonique, l’un des moteurs de l’école de tectonique et microtectonique de Montpellier . La géologie méditerranéenne, la Montagne noire, les Pyrénées, la tectonique du Haut Atlas (où il a découvert le concept d’inversion), la grande faille du Tizi N’ Test ont livré grâce à lui beaucoup de leurs secrets . Puis il dirigea de 1975 à 1979 les missions géologiques au Pakistan et Afghanistan où ont été découvertes les sutures principales entre l’Inde et l’Asie et les traces de la subduction continentale, marquée par les roches de très haute pression (glaucophane et granulites à hypers- thène) le long du chevauchement du manteau sur la croûte indienne, nouvellement baptisé Main Mantle Thrust (MMT) . Il a ensuite dirigé en 1980 la toute première expédition franco-chinoise au Sud-Tibet, en 1982, en collaboration avec son jeune ami le professeur Claude Allègre de l’université de Paris 7 . Une centaine de publications de ses travaux et nombreuses collaborations ont été publiées dans de grandes revues scientifiques .

Il aura été en outre, toute sa carrière durant, un catalyseur d’idées, grâce à sa grande culture, mais surtout son esprit critique très aiguisé, parfaitement servi par une mémoire exceptionnelle . Toutes ces qualités, associées à une grande ouverture d’esprit, ont été un puissant stimulant pour les étudiants du Laboratoire de tecto- nique de Montpellier et ses collaborateurs . Redoutable interrogateur à l’oral, il fut également un grand professeur, admiré et respecté par ses étudiants . Sa culture scien- tifique encyclopédique fascinait tous ses interlocuteurs . Elle recouvrait la géologie dans son ensemble (tectonique et microtectonique, pétrologie, géochimie, méca- nique des roches, etc .), mais il était aussi passionné par la botanique (en particulier par les orchidées et les champignons) et l’entomologie . Il connaissait les noms d’une infinité de plantes (il adorait les fleurs), fossiles (du Précambrien au Pliocène) et minéraux, dont il savait toutes les formules chimiques, ainsi que l’altitude exacte de la plupart des hauts sommets du monde (un constant sujet de disputes amicales avec M . Mattauer !) . Épicurien, généreux, il donnait toujours plus qu’il ne recevait . Pour mieux nourrir une équipe de terrain en manque de provision en plein cœur de l’Indu Kush à l’ouest de Bamian, il était capable de découvrir et récolter des dizaines de crabes cachés sous les galets du désert . . .

Sa voix tonitruante et son verbe enthousiaste résonnent encore à l’oreille de tous les membres du laboratoire qui l’ont connu, sans compter les innombrables anec- dotes qu’il aimait narrer, pour détendre l’atmosphère, à bon escient . Il a beaucoup manqué à l’équipe après son départ en retraite en 1986 . L’hospitalité au sommet de son volcan de Valmaillargues était légendaire, on y dégustait des douzaines d’huîtres dont les coquilles ont édifié un tumulus « visible de la lune » . Il y aura bien vécu, pendant plus d’un demi-siècle . Nous perdons avec lui un homme prodi- gieux qui mêlait l’humanisme du professeur Tournesol, à la vigueur, parfois, du capitaine Haddock .

Ce fut un savant épicurien, grand amateur de poissons et de fruits de mer . Il connaissait tous les noms latins des innombrables bestioles qu’il absorbait . Un humaniste, capable de piler brutalement, d’enclencher la marche arrière et de laisser la voiture au milieu de la route pour aller voir telle orchidée, tel cham- pignon, tel pli anormal dans le calcaire ou telle faille improbable ! Aucune des disciplines des sciences de la vie et de la terre ne lui échappait . Il consommait une bonne centaine de champignons, toujours sûr que ce ne fussent pas des espèces fatidiques . Il était également capable de manger en salade une bonne dizaine de plantes de la garrigue . Sur son domaine de garrigue volcanique, il détestait par- dessus tout la tondeuse par crainte de voir moulinée telle plante rarissime . Il ne supportait pas non plus de couper le moindre arbre, ni même de l’élaguer . Son jardin était de ce fait une jungle méditerranéenne proche de la forêt primitive de l’ère post-glaciaire .

François Proust va manquer beaucoup à ceux qui l’ont aimé et à ceux qui ont reconnu en lui un grand scientifique et, plus encore, un homme hors du commun .

Maurice BRUNEL, professeur honoraire U . Montpellier
Philippe LAURENT, maître de conférences honoraire U . Montpellier
Philippe MATTE, directeur de recherches honoraire CNRS
Jean-Pierre PETIT, professeur honoraire U . Montpellier
Étienne PROUST, fils de François, agrégé de géographie, 
spécialiste de géographie du tourisme à Bordeaux
Paul TAPPONNIER, physicien honoraire IPG Paris, actuellement professeur invité à l’université de Pékin