REVOY Philippe - 1964 s

REVOY (Philippe), né à Paris le 22 juin 1945, décédé à Montpellier (Hérault) le 24 octobre 2014. Promotion de 1964 s.


Né à Paris, Philippe a passé sa jeunesse à Genève où son père, polytechnicien polyglotte, avait trouvé un travail de traducteur à l’Union internationale des télécommunications, organisme international dépendant de l’ONU . Son grand- père, Paul Revoy, agrégé, était l’auteur de livres d’enseignement de physique et de chimie à l’usage des candidats au bacca- lauréat et aux élèves officiers au début du xxe siècle . Ce sont pourtant les mathématiques qui ont passionné son petit-fils Philippe . Scolarisé au lycée d’Annemasse jusqu’en terminale, il est reçu second au Concours général de mathématiques en

1962 . Après deux ans de classes préparatoires au lycée du Parc à Lyon, il a intégré l’ENS en 1964 . Sans surprise, il opta de poursuivre ses études en mathématiques .

C’est au cours d’un mémorable voyage en Chine organisé par un groupe de normaliens à l’été 1965 qu’il rencontra Simone, originaire de Montpellier . Aussi, dès l’obtention de l’agrégation en 1967, il prit un poste d’assistant à l’université de Montpellier et épousa Simone en 1968 . Leur famille s’enrichit par la suite par l’adoption de quatre enfants .

Sous la direction d’Artibano Micali, il entame un travail de thèse en algèbre qu’il soutient en 1975 . Au sein du laboratoire de mathématique de Montpellier, il participera régulièrement au séminaire d’algèbre de l’équipe AGATA avec un intérêt pour les algèbres de Clifford, un sujet qu’il poursuivra jusque dans les années 2000 en collaboration avec A . Micali, et J . Helmstetter . À partir de 1984, il est séduit par le projet d’Alberto Medina d’étudier les groupes de Lie munis d’une métrique bi-invariante de signature quelconque . Ils ont publié une série de quatre articles qui ont eu un grand impact international dû à l’importance du procédé de « double extension orthogonale ou quadratique » en mathématiques et en physique . Ce procédé a été généralisé aux superalgèbres de Lie, et appliqué dans plusieurs problèmes de physique théorique (théories de supergravité, modèles WZW, systèmes bi-hamiltoniens intégrables, groupes de Lie-Poisson, par exemple) . Au début des années 90, ils se sont attaqués à la double extension des groupes de Lie symplectiques, aux espaces homogènes correspondants et à la géométrie affine plate associée . Plusieurs publications y ont été consacrées, dont la dernière est parue en 2014 . Cette méthode de double extension symplectique peut être regardée comme l’opération inverse de la réduction symplectique bien connue des physiciens . Elle a été par la suite généralisée par Médina et ses élèves aux groupes de Lie Kählériens . On peut penser que les doubles extensions symplectiques et kählé- riennes auront autant ou plus d’applications à la géométrie et à la physique que la double extension orthogonale .

Ses collaborateurs et collègues appréciaient la culture très étendue de Philippe dans des domaines très variés des mathématiques . De son point de vue, l’aspect esthétique des objets mathématiques et de leurs propriétés était une motivation essentielle .

Philippe aimait enseigner les maths . Il a enseigné à tous les niveaux du supérieur, ne négligeant pas le premier (entrée des étudiants à l’université) . Brillant, toujours modeste, exigeant dans le travail, il cherchait à dévoiler la beauté des mathématiques jusque dans le sujet d’examen . Rapide pour remplir le tableau de son écriture fluide et harmonieuse, il restait à l’écoute des étudiants, répondant aux questions avec patience et bienveillance . Humain et dévoué, il était toujours prêt à assurer la totalité des corrections d’examen et cherchait constamment quelque chose de sensé dans une copie, gêné de n’y rien trouver si elle était vide . Dans les jurys, avant que l’informa- tique ne dispense les enseignants des calculs, il évitait les erreurs en effectuant de tête les moyennes, plus vite que les calculettes . Et alors que le clavier prenait possession de la rédaction mathématique, il voulait l’ignorer en s’appliquant toujours, d’une écriture ronde, régulière, sans rature, comme s’il lisait sereinement un original qu’il aurait eu en mémoire . Ce contact humain si particulier de Philippe est illustré par le témoignage personnel d’un de ses anciens étudiants, Gérard Biau, maintenant profes- seur à l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris : « J’ai connu Philippe Revoy en 1991-1992, alors que j’étais étudiant en première année à l’université de Montpellier-II . Philippe Revoy enseignait alors l’algèbre aux étudiants de premier cycle et fut donc, à ce titre, l’un de mes tout premiers contacts avec les mathématiques de l’Enseignement supérieur . Quand je repense à Philippe Revoy, je revois d’abord une belle écriture ronde qui recouvrait les grands tableaux noirs des amphithéâtres en moins de temps qu’il n’en fallait aux étudiants pour sortir leurs cahiers . Je me souviens surtout d’un professeur exigeant et pédagogue, qui aimait avec passion son métier . Proche des élèves, il ne comptait pas son temps pour répondre à nos questions avec calme et patience . Chacune de ses explications se terminait invariablement par un grand sourire, derrière lequel on devinait une infinie gentillesse et beaucoup d’humanité . Vingt ans ont passé et je suis aujourd’hui devenu professeur de mathématiques à l’université de Pierre-et-Marie-Curie . Même si le temps a coulé, ma mémoire n’en est pas moins intacte, et je repense souvent avec nostalgie à ces années d’études à l’université de Montpellier-II . Je mesure le chemin accompli, et je sais que si j’ai désormais la chance d’exercer un métier magnifique, c’est d’abord grâce aux maîtres qui m’ont insufflé la passion des mathé- matiques et m’ont aidé à y forger mon chemin . Philippe Revoy en fait partie et je ne l’oublierai pas . »

Philippe avait d’autres passions plus inattendues : l’histoire et les sciences sociales . Il a été toute sa vie abonné aux revues « Annales . Histoires, Sciences sociales » et « Population », revue de l’Institut national d’études démographiques . Il connais- sait par cœur les arbres généalogiques des familles régnantes européennes, et bien d’autres sujets dans ces domaines . La politique française était également un sujet où sa mémoire faisait merveille, à croire que sa lecture quotidienne du journal Le Monde, fidèle sur un demi-siècle, s’archivait de façon automatique dans sa mémoire . Bien qu’habitant Montpellier, il fréquentait peu la plage et la mer . La moyenne montagne était son lieu de détente favori, et il passait ses étés en famille à Lus-la-Croix-Haute pour y parcourir les pentes des environs .

Philippe a aussi consacré du temps à plusieurs associations d’aide à l’enfance (Terre des hommes, Espoir pour un enfant), en particulier pour permettre l’hospitalisation d’enfants nécessitant une intervention chirurgicale lourde, soit dans leur pays d’ori- gine, soit à Montpellier . Il s’est également impliqué dans un club local d’échecs où sa gentillesse était assez appréciée pour qu’un prix « Philippe-Revoy » y ait été créé récemment .

Alberto MÉDINA, professeur émérite, université de Montpellier
Suzanne DERZKO, maître de conférences honoraire, université de Montpellier
Jacques DUPONT-ROC (1964 s)