SUCHARD Jean - 1950 s

SUCHARD (Jean), né le 24 mai 1930 à Charolles (Saône-et-Loire), décédé le 27 février 2019 à Argentan (Orne). – Promotion de 1950 s.


Jean Suchard fréquenta la rue d’Ulm de 1950 à 1954 .

De cette époque j’ai retrouvé une trace dans la notice de son camarade Michel Chaurand1 : « ... tous deux sont des experts pour construire des ‘amplificateurs à lampe’, ancêtre de la chaîne stéréo à haute-fidélité » . Dès cette époque donc, il met ses compétences en électronique au service de sa passion pour la musique .

Cette passion, remonte à ses années lycéennes, à Toulouse au lycée Fermat, où il fut organiste, plus précisément : Maître de chapelle de la Basilique de la Daurade et secrétaire régional des Jeunesses musicales .

En 1954, il est agrégé de sciences physiques, physique et chimie . Il se marie avec Antoinette C . et devient père pour la première fois .

Mais sa carrière professionnelle ne débutera qu’en octobre 1956, après un an et sept mois sacrifiés à la guerre d’Algérie . Celle-ci l’a profondément marqué, les photos de l’époque en témoignent .

Durant cinq ans, de 1956 à 1962, Jean Suchard va être professeur de sciences physiques, tout d’abord au lycée Jeanne-Hachette de Beauvais, puis au lycée Michelet à Vanves .

Pendant cette période, il mène aussi des projets et des collaborations autour de l’électronique, de l’acoustique et de la musique, on en trouve des traces dans les mémoires du musicien Paul Arma . Je me souviens aussi qu’il a travaillé à la maison de la Radio, mais impossible de retrouver des dates et des faits précis .

C’est en 1962 qu’il débute sa longue carrière dans l’informatique . À l’époque, le mot existe à peine .

Il devient attaché de recherche à l’institut Blaise-Pascal, rue du Maroc (Paris, 19e) . Là, il participe à la création de ce qui sera l’ancêtre de l’Institut de Programmation . Dans son CV il mentionne, d’octobre 1962 à juillet 1966, la création et la direction du « département électronique du laboratoire de la machine à lire du professeur de Possel » . Tout un programme !

L’essentiel de sa carrière se déroule ensuite à Jussieu, de 1968 à 1996, en tant que maître de conférences en informatique à l’université Pierre-et-Marie-Curie .

Son collègue Claude Girault témoigne :

« Jean Suchard créa ex abrupto tout l’enseignement d’électronique et le laboratoire d’architecture des ordinateurs qu’il développa jusqu’à sa retraite .

[...] Lorsque, en 1968 aussi, nous déménageâmes sur le campus Jussieu et obtînmes plus de moyens, ce fut le début d’un essor impressionnant sur plus de 25 ans .

Il dirigea de nombreux projets et fut l’un des pionniers de ce qui est devenu, par la suite, un des grands départements de micro-électronique en France . »

De toute cette aventure, il reste des publications, des colloques, des brevets, des projets déjà oubliés, et un personnage qui ne pouvait passer inaperçu :

« Alors jeune assistant, j’étais très impressionné par cet imposant normalien dont la voix de stentor pouvait s’entendre d’un bout à l’autre de l’Institut . »

De sa première union, avec Antoinette C ., il a cinq enfants . En 1970, à l’âge de 12 ans, leur fils Frédéric perd la vie dans un accident de la circulation . La famille n’y résiste pas . En 1974, Jean et Antoinette se séparent . À l’époque, le divorce n’est pas encore une banalité .

Il aura par la suite trois autres compagnes : Michelle C . va partager une quin- zaine d’années avec lui, ainsi qu’une entreprise de conseils en informatique . Puis, après une nouvelle rupture tumultueuse, il rencontre Judith K ., l’épouse et partage avec elle une dizaine d’années, des projets autour d’HyperCard, des projets de livres et des enseignements en commun . Nouveau divorce, nouvelle rencontre, nouveau mariage : Jean a 72 ans lorsqu’il épouse Valérie E . B ., qui saura l’accompagner avec amour et force de caractère jusqu’à ses dernières heures . Il adopta trois de ses fils .

Ses élèves se souviendront de ce maître-assistant passionné et excentrique, assistant aux cours de son ami Jacques Arsac (1948 s) et intervenant en amphi, débarquant en survêtement orange avec son vélo à la main, à une époque où ce n’était pas encore à la mode, et toujours de sa voix phénoménale qui s’entendait d’un bout à l’autre d’une aile de salles de TD .

J’ai encore en mémoire son fameux « calculer le jour du lendemain », premier défi lancé aux étudiants de première année pour découvrir tous les concepts clés de la programmation .

Ses proches n’oublieront pas les mille et une histoires qu’il savait raconter, semblant avoir tout vu, tout vécu, paraissant un peu « marseillais » tant il mettait d’emphase à faire revivre ses souvenirs .

Jeanne SUCHARD, sa fille

Note

1 . L’Archicube, 17bis, février 2015, p . 191 .